Exégèses - L'affaire Baby Loup ou la nouvelle laïcité ? - 73

L'affaire Baby Loup ou la Nouvelle Laïcité
depuis dix ans, concrétise la Nouvelle Laïcité vise, chaque fois,
formellement les deux sexes (ni les hommes ni les femmes ne
doivent manifester ostensiblement une appartenance religieuse
dans les collèges et lycées (loi du 15 mars 2004) ou lors de l'accompagnement
des sorties scolaires (circulaire du ministre de
l'Éducation nationale, 27 mars 2012) ; tous doivent respecter la
neutralité des services publics et circuler le visage découvert
dans l'espace public (loi du 11 octobre 2010)...), il n'en reste
pas moins que ce sont les femmes musulmanes qui, exclusivement
ou très majoritairement, sont directement touchées par
ces règles. Ce sont elles qui portent les signes religieux jugés
attentatoires à la laïcité ou aux valeurs de la République28
; les
hommes, eux, peuvent afficher dans la rue les signes religieux
équivalents à la burqa pour leur sexe (port du qamis et de la
barbe).
Bien sûr, on pourrait très bien ne voir là que la conséquence
logique de règles dont l'objet est bien de protéger les femmes.
Mais on peut aussi y voir une forme de discrimination ; la
« discrimination indirecte » est précisément un concept juridique
rendant répréhensible cet état du droit. Défini par la loi
comme « une disposition, un critère ou une pratique neutre en
apparence, mais susceptible d'entraîner un désavantage particulier
pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à
moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit
objectivement justifié par un but légitime et que les moyens
pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés » (loi
28. Les chiffres sont parlants : au terme d'un an d'application, la loi du 11 octobre
2010 relative à l'interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace
public avait mené, selon le ministère de l'Intérieur, au contrôle de 354 femmes,
dont 299 avaient été verbalisées. Plus récemment, l'Observatoire de la
laïcité établissait qu'en deux ans, il y avait eu 705 contrôles, dont « 423
concernant des femmes entièrement voilées » (Point d'étape, août 2013,
p. 91). Sans que cela soit précisé, on peut supputer que le différentiel de
282 contrôles n'ayant pas concerné des femmes « entièrement voilées » correspond
plus probablement au contrôle de femmes « partiellement voilées »
qu'à celui de motocyclistes portant le casque intégral ; de sorte qu'on peut
bien considérer que les femmes font très majoritairement, sinon exclusivement,
les frais de la loi de 2010. Concernant l'application de la loi de 2004,
Olivia Bui-Xuan indique que « parmi les arrêts appliquant ce texte, quatre
concernent des jeunes gens sikhs contre 37 relatifs à des jeunes femmes portant
un voile ou un bandana (dont un qui regroupe les requêtes de 17 jeunes
femmes) » (Bui-Xuan, 2013).
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