Droit & Économie - Droit et marché - 21

Introduction

XXI

d'autres objectifs18. Il prendrait appui sur l'existence d'autorités indépendantes,
cumulant plusieurs types de pouvoirs mais dont la mise en œuvre serait subordonnée au respect de certaines exigences fondamentales (impartialité,
transparence, proportionnalité). Ce droit de régulation se présenterait comme
un droit souple, pragmatique, flexible, élaboré en relation étroite avec les destinataires et en permanence réajusté en fonction des résultats obtenus.
Par ailleurs, l'ordre juridique étatique se trouve concurrencé dans sa fonction
régulatrice par d'autres ordres juridiques situés au niveau international et régional,
avec lesquels il interagit en formant un ensemble complexe. Les règles édictées
par les États pour réguler le marché vont être passées au crible des principes
définis à un niveau supra-étatique et éventuellement remises en cause comme
étant de nature à fausser le jeu de la concurrence. Les États vont être ainsi
conduits à réajuster les dispositifs qu'ils avaient édifiés, sous la pression des
nouveaux régulateurs des marchés. Parallèlement à l'action menée par l'OMC
en faveur de la libéralisation des échanges, le droit de l'Union européenne est
tout entier fondé sur la réhabilitation de la logique du marché, par l'élimination
des entraves ou des entorses possibles à la concurrence. La régulation juridique
du marché passe désormais par des voies plurielles, auxquelles il convient
d'ajouter l'auto régulation déployée par les opérateurs économiques, contrastant
avec le monolithisme de l'ordre juridique classique.
À travers ce pluralisme, se dessine un processus plus subtil d'investissement
de l'ordre juridique lui-même par la logique marchande.
§ 3

L'ordre

juridique investi par La Logique marchande

L'ordre juridique semble avoir perdu le capital d'autorité lié à son double
attribut traditionnel de « systématicité » et de « normativité ». Tandis que le pluralisme des foyers de droit rendait plus flous ses contours, le développement du
droit souple rendait la force normative de ses énoncés moins évidente ; cette
évolution peut être interprétée comme l'indice d'une pénétration de la logique
marchande dans l'ordre juridique, pénétration dont témoignent tout à la fois
l'essor du contrat, la managérisation du droit et la mise en concurrence des
systèmes juridiques.

18. M.-A. Frison-Roche, « Le droit de la régulation », Dalloz, 2001, n° 7, p. 610 et s. et « Définition du
droit de la régulation économique », Dalloz, 2004, n° 2, p. 126 et s. J.-P. Colson, P. Idoux, Droit public
économique, 6e éd., LGDJ, 2012, p. 16 et s.

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