Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e - 393

LE DROIT COMMERCIAL DU XIXE SIÈCLE

deux pièces : le récépissé proprement dit et le warrant proprement dit qui est la
deuxième partie du titre. Les deux parties peuvent se détacher l'une de l'autre. Le
récépissé constate la propriété, alors que le warrant, ou bulletin de gage, est destiné
à circuler et à permettre d'obtenir du crédit sur cette propriété.
Il y a trois solutions.
1) Le commerçant - première solution - garde les deux titres unis. Il n'a pas
besoin de crédit (hypothèse d'école car s'il a déposé des marchandises, c'est vraisemblablement parce qu'il envisage d'obtenir du crédit dessus). Il vend purement
et simplement ses marchandises. Il remet les deux titres - le récépissé et le warrant
- à son acheteur, après avoir endossé ces deux titres à son profit. Muni de ces deux
titres, l'acheteur se présentera au magasin général, soit pour retirer les marchandises, soit pour les faire vendre en bourse. Même chose pour le porteur originaire qui
n'aurait pas vendu ses marchandises.
2) Autre solution : si le commerçant veut obtenir du crédit chez les banquiers
sans néanmoins vendre ses marchandises, il va garder le récépissé qui correspond
à la propriété des marchandises, mais en détachera le warrant. Ce warrant, il
l'endosse au profit de son prêteur d'argent, en inscrivant le montant de l'emprunt
et son échéance ; et il se dessaisit de cette partie du titre. Les deux moitiés du titre
sont désormais dans des mains différentes. Aussi longtemps que l'ensemble du titre
avec ses deux moitiés ne lui sera pas représenté, le magasin général devra retenir la
marchandise, sous peine d'engager sa responsabilité. C'est la réunion des deux
titres qui montre la marchandise franche de toute charge. Si à échéance le commerçant débiteur n'acquitte pas sa dette, le prêteur, porteur du warrant, le présente au
Magasin général et fait vendre la marchandise aux enchères pour se payer à due
concurrence.
3) Le commerçant peut - et c'est la troisième hypothèse - vendre ses marchandises. Même en ayant emprunté sur elles et fait circuler le warrant, il en est resté
propriétaire et a conservé le récépissé. Un acheteur peut très bien acheter des marchandises frappées de crédit. Ceci ne peut lui être caché, car le titre complet ne peut
lui être remis. Il diminuera simplement du montant de l'emprunt le prix d'achat.
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C'est donc ce système de titre formé de deux parties qui peuvent se séparer et
qui peuvent circuler différemment, chacune avec un endossement - l'une représentant la propriété et l'autre le gage - qui a permis aux marchandises de circuler aisément, de devenir un puissant moyen de crédit. Désormais, les marchandises emmagasinées « travaillent comme un capital ».
Le warrant, renforcé par la loi sur le gage commercial en 1863, va voir sa réglementation à peu près exactement assimilée à celle de la lettre de change. Il y aura
procédure de protêt, privilège du porteur de warrant et escompte des warrants. Tout
cela en fait un effet de commerce. Le warrant sera étendu par la suite à d'autres
sortes de biens, cette fois-ci sans dépossession : il y aura le warrant agricole
(1898), le warrant hôtelier (1913), le warrant pétrolier (1932).

Troisième partie : Du Code de commerce de Napoléon aux débuts du XXe siècle

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