Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 106

102 QUESTION DE STYLE : L'ÉCRITURE DU DROIT SUR LES BLOGS

étape est de forger une pensée, en cherchant les moyens conceptuels qui
permettent de tenir le grand écart entre les savoirs fondamentaux du
droit et la demande d'un public, ignorant des bases du droit, le regrettant
et demandant à comprendre. Ensuite, il faut façonner les procédés du
discours, en trouvant les mots de l'éloquence. Cette démarche, c'est
inventer le gué qui permet au plus grand nombre de rejoindre la planète
du droit... et attention, ce n'est pas pour faire les choses à moitié. Nos
concitoyens ont un haut sens critique, et ne se satisfont pas de fadaises.
Ils ne souhaitent qu'on leur donne les clés de l'analyse des fondamentaux.
Sachant où ils veulent aller, ils ont des exigences bien définies, et feront
savoir si le compte n'y est pas. En fait, il en est du droit comme du vin ou
de la peinture : que l'on connaisse ou non toute l'arrière-scène, on peut
dire si ou non on apprécie, et sans se tromper. On n'interroge pas sur son
degré de connaissance de l'art lyrique celui qui se rend à l'opéra, et on
n'imagine pas les chanteurs donner le spectacle en dilettante, car le public
ne serait pas à jour de la connaissance de l'œuvre...
Cette doctrine de la vulgarisation s'affirme au fil des billets du blog,
ces textes construisant, pas à pas, une pensée autonome qui éclaire la
réalité juridique, se développe avec ou en dépit des événements, et permet
d'échanger.
À ce stade, je dois avouer un défaut, pleinement assumé, et a priori peu
conciliable avec les sages méthodes de la doctrine : le blog prend parti.
L'écriture juridique attendue est celle, qui avec prudence, fait la part de
choses, rythmée par la rigueur du plan et la méthode de raisonnement.
Pour ce blog d'avocat, j'assume de faire plier le plan et le raisonnement à la
posture de la défense d'une thèse. Le texte peut alors être excessif, partial,
mais c'est aussi une manière de mettre sous tension un argument, pour
l'exposer au feu de la critique. Vive le débat ! Vis-à-vis du lecteur, ce choix
ne pose pas de problème dès lors qu'il est établi qu'il s'agit d'une opinion,
que les commentaires sont libres, et que d'autres textes viendront tôt ou
tard aborder le sujet sous un œil plus neutre. C'est aussi admettre qu'il
existe plusieurs vérités.

2. Le risque de se tromper
Ce risque est une hantise. Le blogueur écrit vite, dans l'instant, et le
billet est aussitôt publié. Pour une publication dans une revue, l'auteur
prendrait le temps de mûrir le sujet, d'approfondir la recherche, d'écrire
et de laisser reposer le texte avant la relecture. Ici, tout va vite. C'est une
affaire de quelques heures pour étudier, écrire et publier. L'exercice est
risqué, ce d'autant plus que du fait des magies de l'informatique, un texte
de blog restera longtemps accessible. Il faut donc écrire dans l'instant, mais
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