Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 169

LE POINT DE VUE D'UN ÉDITEUR

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ou la souscription d'abonnement par le client final (l'éditeur contrôlant
ainsi toute la chaîne de la production à la vente au consommateur), dans le
modèle de l'Internet gratuit, l'intermédiaire commercial physique (i.e. dans
le cas qui nous intéresse : l'éditeur dont le métier est de produire et vendre
des livres) est remplacé par un intermédiaire virtuel dont l'intermédiaire
classique devient le client.
Enfin, la troisième mutation de l'Internet tend à effacer les frontières
entre les sphères privée et publique, professionnelle ou personnelle pour
constituer le nouveau média universel. Les outils eux-mêmes y perdent de
leur spécificité : les outils hier réservés aux professionnels sont désormais à
la portée d'un enfant ou d'un adolescent. Et sans caricaturer le propos, tout
étudiant en droit voire tout particulier éclairé peut aujourd'hui produire
des contenus juridiques de niveau professionnel dans la forme si ce n'est
dans le fond.
L'immixtion de ces acteurs sur le marché de l'édition juridique n'est pas
sans poser des difficultés aux éditeurs puisqu'ils ne sont pas soumis aux
mêmes contraintes, tant s'en faut. L'étudiant en droit peut publier à sa guise
et sans contrainte horaire ni besoin de rentabilité sur son blog, alors que
l'éditeur doit respecter les règles éditoriales et professionnelles applicables
à son activité qui doit être rentable : ligne éditoriale, planning éditorial,
relations avec ses auteurs, temps de travail de ses salariés, sélection des
articles et réactivité face à l'actualité, investissements. Le blog juridique
à tout le moins interpelle les éditeurs qui bénéficient, grâce au relais de
communication que constituent les blogs, du regain d'intérêt pour la
doctrine juridique suscité par cette audience nouvelle. Mais ils redoutent
des effets « pervers » que certains blogs trop amateurs ou simplement laissés
à l'abandon par leur auteur peuvent produire sur des lecteurs parfois peu
au fait de tous ces enjeux1.
Parmi les mutations évoquées ci-dessus, celle qui est la plus structurante est celle du modèle gratuit qui impose un changement du mode de
rémunération des fournisseurs de contenus (au sens large) : au modèle du
paiement d'un produit (à l'acte ou par abonnement) par le client final (dans
une relation de type BtoC) à l'intermédiaire (l'éditeur juridique pour le cas
qui nous intéresse), s'est substitué un modèle dans lequel l'utilisateur a accès
gratuitement à nombre de contenus et outils (si l'on excepte le montant de
l'abonnement obligatoire à un fournisseur d'accès). Un célèbre acteur de
l'internet n'a t-il pas récemment énoncé que l'accès à des services gratuits
sur le Web était le signe que l'internaute était en réalité devenu lui-même
un produit ?
1. E. Dreyer, « L'amateur sur Internet, ou le blog rattrapé par le droit... », Légicom
2008/1, n° 41, p. 28.

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