Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 19

AVANT-PROPOS

d'autres donneront lieu à publication. Marqueurs d'une (r)évolution des
pratiques de diffusion des savoirs, les blogs juridiques sont bien une forme
légitime d'expression d'idées de valeur scientifique49.
Mais ils participent aussi d'une autre révolution, dans l'écriture même
du droit, en favorisant le développement d'une doctrine à plusieurs mains.
Les collaborations ne sont pas rares dans l'histoire de la doctrine, mais
l'essence du blog réside dans l'interactivité, pour une nouvelle logique de
communication scientifique. Ce caractère collaboratif qui compose des
collectifs de travail assez inattendus50, est qualifié par Leonardo Velasquez
de tribalisme online51. Par l'échange de données et de résultats, une forme
d'intelligence réticulaire, rhizomique, se développe... bien éloignée de nos
pratiques de travail plutôt solitaires. On assiste donc non seulement à une
réévaluation de la manière de concevoir la recherche juridique, mais l'acte
même d'écriture s'en trouve transformé - ce que démontrent ici à la fois
la contribution de Pierre-Nicolas Barenot et celle du professeur Hervé
Croze (qui signale bien comment les contraintes d'écriture pour/sur un
blog constituent aussi des opportunités de renouvellement).
La réception doctrinale des billets de blogs amène toutefois à s'interroger sur ce qu'est un savoir juridique et où il réside. Outre les thèses,
les livres et les articles de revues juridiques, ce savoir se développe dans
de nouvelles formes d'écriture, qui bouleversent le contrat entre l'auteur
et le lecteur. On assiste en effet, pour le lecteur, à une désacralisation de
la connaissance : le rapport au texte n'a plus les mêmes effets identitaires
quand sa consultation est dématérialisée dans un blog, sur lequel il peut en
outre donner son avis. L'auteur travaille quant à lui à « atelier ouvert » en
acceptant de lever le voile sur ce qui fait le quotidien de son activité. Entre
49. L. Fontaine, op. cit., p. 154 : la part de la prospective est assez variable dans la communauté des juristes, elle est plutôt rejetée dans le milieu universitaire... mais est-ce que le blog
n'autorise pas justement une forme de liberté, un élargissement des frontières de ce sur quoi
on peut écrire ? Sur la fiabilité des blogs, voir le rapport du Parlement européen en date du
25 février 2009, sur le renforcement de la sécurité et des libertés fondamentales sur Internet.
50. Comme l'expliquent Delalande et Vincent, on assiste « à de nouvelles formes de
conversation scientifique, dont les promoteurs espèrent qu'elles pourront atténuer les effets
de hiérarchie et de verticalité qui caractérisent les relations professionnelles universitaires ».
Si Internet n'est certainement pas un espace social plat et neutre, il paraît « possible de créer
des collectifs qui, par-delà l'éloignement géographique, les séparations institutionnelles ou
les rivalités de pouvoir, sont susceptibles de faire émerger de nouvelles communautés de
savoir ». N. Delalande, J. Vincent, op. cit., p. 22. Nicole Poteaux distingue quant à elle
l'enseignement de la recherche, en expliquant que la « relation qui s'établit avec les étudiants
est de l'ordre de la réciprocité et du partenariat en recherche, même si elle reste hiérarchique
et inégalitaire, alors que dans la situation de transmission d'enseignement, elle est à sens
unique » (« Pédagogie de l'enseignement supérieur en France », DMS, op.cit.)
51. L.A. Velasquez, « La blogosfera : una Galaxia de Informacion », Los blogs juridicos,
op. cit., p. 137.

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