Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 227

LES BLOGS JURIDIQUES QUÉBÉCOIS

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la reconnaissance en tant qu'auteur de doctrine ne saurait se satisfaire de
publications sur un blog dont l'influence, paradoxalement, aura une portée
nulle ou limitée24.
C'est semble-t-il la position adoptée, implicitement certes, par la majorité
des auteurs québécois. On peut la déplorer et à cet égard nous rejoignons
volontiers Geneviève Koubi pour qui « de toute évidence ce n'est pas le
support qui fait la qualité d'une étude »25. Il nous semble que cette évidence
a été trop souvent passée sous silence. Séparer le bon grain de l'ivraie est
une tâche difficile, mais jusqu'à présent aucun critère intangible n'ayant été
énoncé pour distinguer ce qui relève de la doctrine juridique de ce qui n'en
relève pas, il est regrettable de se détourner des blogs sous le seul prétexte
que leur contenu pourrait manquer de sérieux ou d'intérêt. Qui oserait
raisonnablement affirmer que tous les écrits publiés dans des revues de
renom sont d'une qualité telle que l'on pourrait affirmer à tout coup qu'il
s'agit de doctrine ? Qui oserait affirmer en retour que par nature un blog ne
pourrait contenir de la « vraie » doctrine ? Finalement, ce serait accepter de
se priver des opportunités que les blogs ont à offrir à la doctrine juridique,
et à toute la communauté juridique en général, notamment l'opportunité
de trouver des opinions utiles au débat juridique, de lire de belles analyses,
de trouver des argumentations de qualité et convaincantes et qui arrivent
au bon moment. Au fond, le juriste ne devrait pas redouter cet exercice,
somme toute banal, qui consiste à distinguer les écrits sérieux et d'intérêt
de ceux qui ne possèdent aucune de ces qualités et qui ne méritent pas que
l'on s'y attarde.

3. Les raisons tenant aux genres et à la nature
de la littérature juridique québécoise
Le type d'écriture et la nature des contenus publiés peuvent, eux aussi,
expliquer le peu d'attrait que les blogs exercent sur les juristes car ils
s'accommodent assez mal des genres habituels de la doctrine québécoise.
24. On dit toutefois que les juges, ou leurs assistants, lisent parfois les blogs pour préparer la rédaction de leurs jugements. Un exemple récent en fournit la preuve à l'extérieur
du Québec. En effet, en septembre 2014 la Cour du banc de la reine de la province du
Manitoba a rendu une décision dans laquelle le juge cite et approuve l'opinion défendue
par une professeure de l'Université de Calgary dans un billet de blog juridique. Voir, R. v.
R.B., 2014 MBQB 179 (CanLII) par. 30. Tandis qu'aux États-Unis, lire, citer et appuyer son
raisonnement sur un billet de blog est pratique courante pour les juges et les universitaires.
Voir à cet égard, Lee F. Peoples, The Citation of Blogs in Judicial Opinions (October 27,
2009). Tulane Journal of Technology & Intellectual Property, Vol. 13, 2010 et J. Robert
Brown, Jr. "Law Faculty Blogs and Disruptive Innovation", 2 Journal of Law (1. J. Legal
Metrics) 525 (2013).
25. G. Koubi, « Blogs juridiques et libres lectures du droit », Mélanges François JulienLaferrière, Paris, LGDJ, p. 316.

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