Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 32

28 QUESTION DE STYLE : L'ÉCRITURE DU DROIT SUR LES BLOGS

D'une part, ils constituent les médias d'une « culture du Palais » trop
souvent oubliée. En effet, avocats et magistrats ont trouvé dans ces médias
émergents un espace d'expression, d'échange et de représentation idéal, en
marge de la littérature juridique de leur temps (I).
D'autre part, les premiers journaux et les blogs de droit ont introduit des
innovations dans l'écrit juridique. Au contact de l'actualité, et dans le cadre
d'une nouvelle temporalité de publication, les arrêtistes et les blogueurs
ont en effet développé de nouvelles formes de discours, brisant les canons
traditionnels de la prose du droit (II).

I - LES JOURNAUX ET BLOGS JURIDIQUES
COMME MÉDIAS DE LA CULTURE DU PALAIS
Les premiers journaux et les blogs juridiques sont d'abord des espaces
d'échange et de représentation pour les praticiens.
À la fin de l'Époque Moderne, la Gazette des Tribunaux de SimonPierre Mars relaie ainsi le dynamisme intellectuel du Palais, à une époque
où l'atonie des universités et de la doctrine contraste avec la vitalité des
Barreaux. Dans son journal, l'arrêtiste ne se contente pas de faire un point
hebdomadaire sur la jurisprudence des cours du royaume ; en effet, la
Gazette des Tribunaux est d'abord un espace d'échange, un média de
représentation. Simon-Pierre Mars entendait ouvrir largement son périodique aux « Magistrats, [...] Jurisconsultes, [...] Praticiens » mais aussi
aux « Gens de Lettres », ou « Libraires, &c. » « qui voudront faire insérer,
[...] quelques Notices, Questions, Réponses, Consultations, Livres,
Prospectus, &c. »5 dans son recueil. Ce sont principalement des avocats
et des magistrats qui y rédigeront chaque semaine des dissertations, de
courtes observations, et prendront activement part aux controverses de
l'époque6. Cet échange soutenu d'opinions et de réflexions à l'échelle du
pays participera à la fixation du droit très éclaté de l'Ancien Régime, et à
5. « Avis », Gazette des Tribunaux, 1786, n° XXI, p. 2.
6. V° par exemple la dissertation envoyée par Boucher d'Argis, célèbre jurisconsulte
et continuateur entre autres du Dictionnaire de Ferrière, Gazette des Tribunaux, 1787,
n° XXVIII, pp. 23 et s. : « J'ai promis, Monsieur, d'examiner dans une seconde lettre la
question de savoir, si les créanciers délégués par un contrat de vente, étaient dispensés, dès
avant l'Edit de 1771, de former opposition au décret volontaire de l'immeuble vendu, pour
conserver leurs hypothèques : cette question ne me sera pas difficile à résoudre, & peutêtre même pourrais-je m'en croire dispensé d'après les réflexions de M. de Valaise, Avocat
au Parlement de Paris, insérées dans votre n° 19 ; mais quelque confiance que mérite son
opinion, il y manque, à ce que je crois, d'être appuyée du sentiment des Auteurs & de la
Jurisprudence des Arrêts. Je vais invoquer l'un & l'autre pour établir les principes que j'ai

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