Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 36

32 QUESTION DE STYLE : L'ÉCRITURE DU DROIT SUR LES BLOGS

journal Le Droit font encore état de la culture du Palais17, ces revues sont
sur le déclin, les médias du droit appartenant désormais, selon la célèbre
formule du président Bernard Chénot, aux « faiseurs de systèmes »18.
Certes ce constat doit bien entendu être grandement nuancé, les praticiens n'ayant jamais déserté les revues de droit, dont ils demeurent encore
quelquefois les principaux rédacteurs. Néanmoins, la presse juridique n'en
demeure pas moins essentiellement « doctrinale », et s'adresse souvent en
premier lieu aux universitaires et aux théoriciens ; elle ne représente plus
vraiment les praticiens, leurs méthodes, leur savoir-faire, leurs préoccupations, ni même pour ainsi dire leur « droit »19. Dans ce contexte, l'apparition
d'internet et des blogs a ouvert de nouvelles perspectives chez ces derniers,
et spécialement chez les avocats et magistrats, dont la culture juridique et
le fort esprit de corps peinait à s'exprimer dans les médias traditionnels.
On retrouve ainsi au sein de très nombreux blogs contemporains l'esprit
et la dynamique des premiers journaux juridiques de jadis.
Pour ne prendre que quelques exemples, « Maître Eolas » dans un récent
billet commémorant les dix ans de son blog explique qu'il souhaitait à
l'origine « créer un petit salon où 200-300 personnes se retrouveraient
pour parler du droit et de la justice »20. Cette idée de créer un espace de
discussion et d'information entre juristes du Palais - le blogueur parle ici
de « confrères », de « magistrats avec ou sans robe », de « greffiers, etc. » -
animait également les premiers arrêtistes. Le format du blog et la possibilité
d'interagir « en direct » avec le blogueur par commentaires interposés
permet toutefois des échanges bien plus dynamiques et étendus que dans
les recueils d'autrefois. Cet espace de discussion est d'ailleurs également
17. Gazette des Tribunaux ; Journal de Jurisprudence et des débats judiciaires (18251855) ; Le Droit, Journal des tribunaux, de la jurisprudence, des débats et de la législation, (1835-1938) ; La France Judiciaire, (1876-1910). Sur ces journaux et spécialement la
Gazette des Tribunaux, v° notamment H. Pouchot, La Gazette des tribunaux, journal
de jurisprudence et des débats judiciaires, 1825-1848, maîtrise d'histoire, sous la direction
de D. Cooper-Richet et de J.-Y. Mollier, UVSQ, 2000. À suivre également le colloque
à venir, organisé sous la direction de Sylvain Ledda et Sophie Vanden Abeele, La Gazette
des tribunaux. Laboratoire et miroir de la littérature (1825-1870), Universités de Rouen
et Paris-Sorbonne, 2015.
18. B. Chenot, « La notion de service public dans la jurisprudence économique du Conseil
d'État », Études et Documents du Conseil d'Etat, 1950, p. 77-83 ; v° aussi du même auteur
« L'existentialisme et le Droit », Revue Française de Science Politique, vol. 3, 1953, p. 57-68.
19. Notons d'ailleurs que la littérature juridique et les approches du droit qui s'éloigneraient trop du « modèle universitaire », selon l'expression employée par Christophe Jamin
et Philippe Jestaz, seraient exclues d'office de la doctrine. « Il existe aussi », écrivent ces
auteurs, « une littérature qu'on qualifie de purement praticienne, autrement dit informative,
utilitaire, descriptive et pas forcément signée d'ailleurs : dénuée d'armature théorique, celleci n'est pas reconnue comme faisant partie de la doctrine et n'en subit guère l'influence »,
C. Jamin et P. Jestaz, La doctrine, Dalloz, 2004, p. 201 et s.
20. http://www.maitre-eolas.fr/post/2014/04/15/10-ans.

http://www.maitre-eolas.fr/post/2014/04/15/10-ans

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