Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 39

DES ARRÊTISTES AUX BLOGUEURS

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la documentation juridique pour leur usage privé, dans le cadre de leur
juridiction d'exercice. Il s'agissait donc d'une littérature « statique »,
recueils, répertoires et dictionnaires de jurisprudence étant le fruit de
compilations et d'éditions sur le long cours, dont l'apport à la doctrine
et à la pensée juridique du temps ne fait plus aucun doute aujourd'hui26.
Avec le développement de la presse, les premiers recueils périodiques
d'arrêts comme celui de Simon-Pierre Mars diffuseront au contraire l'information judiciaire et juridique du temps présent, constamment mise à jour.
Média de l'actualité, la presse change ainsi considérablement le rapport
du droit au temps, et donc la façon d'écrire sur le droit. Les arrêtistes
des journaux « commentent » la jurisprudence, mais ne la « composent »
plus. Le format restrictif des journaux ainsi que l'accélération du temps
de publication leur impose de revoir leur prose, d'aller à l'essentiel, d'être
plus percutants, sans forcément toujours disposer du recul ou du temps
nécessaire pour aborder - dans les meilleures conditions - les problèmes
et les questions qu'ils soulèvent. La presse favorise ainsi la « forme brève »
dans la littérature du droit. Cette transformation ne fût pas toujours bien
reçue par les juristes de l'époque, Dupin aîné qualifiant notamment les
arrêtistes modernes de « spéculateurs de librairie » privilégiant leurs affaires
éditoriales et l'information précipitée aux intérêts de la science du droit,
qui réclame du temps et de la réflexion27.
26. Sur ce point, v° notamment S. Dauchy et V. Demars-Sion (dir.), Les recueils d'arrêts et dictionnaires de jurisprudence (XVIe-XVIIIe siècles), Collection bibliographie, La
Mémoire du Droit, Paris, 2005 ; S. Dauchy, « L'arrestographie, science fort douteuse ? »,
Sartoniana - Sarton Chair of History of Sciences, Ghent University, Academia Press, n°
23, 2010, p. 87-88 ; du même auteur, v° aussi « L'arrestographie, un genre littéraire? »,
Revue d'Histoire des facultés de droit et de la culture juridique, n° 31, 2011, p. 41-53. V°
aussi les travaux de Géraldine Cazals, notamment « De la jurisprudence à la codification ?
L'arrestographie selon Jean Papon (1556-1596) », communication à l'Institut de recherche
et d'histoire des textes dans le cadre d'un séminaire organisé par J. Ceard, J.-F. Maillart
et C. Magnien sur les Recueils et dictionnaires juridiques (session 2006-2007), Paris, le 6
avril 2007 ; « Les arrêts notables et la pensée juridique de la Renaissance », Arrêts notables,
arrêts mémorables à la Renaissance (fin XVe début XVIIe siècle), Actes du colloque organisé
au Centre d'études supérieures de la Renaissance de l'université de Tours (CESR), les 2-3
juin 2011, à paraître ; L'arrestographie flamande (XVIIe-XVIIIe siècle), Centre d'histoire
judiciaire, Lille, à paraître.
27. Comparant les recueils achevés des arrestographes d'autrefois aux recueils périodiques
des arrêtistes modernes, Dupin aîné écrira : « Maintenant, [...] un Journal est, avant tout, une
branche de revenu, une spéculation, un négoce qui rend l'arrêtiste justiciable des Tribunaux
de commerce, et contraignable par corps s'il manque à l'exécution de ses engagements
journaliers envers le papetier, l'imprimeur, etc. [...] Le chef du Journal, tout occupé de
ses registres d'abonnement, n'est le plus souvent qu'un capitaliste qui soudoie un certain
nombre de rédacteurs en sous-ordre. Ceux-ci, ordinairement jeunes et sans expérience des
affaires, ne songent qu'à broder leurs faits, si bien qu'on a quelquefois peine à en reconnaître
le tissu ; ou bien ils étalent une érudition déplacée. Payés à tant la feuille, ils visent surtout
à ce qu'on appelle fouetter le cahier ; de là ces longs articles qui occupent plusieurs pages
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