Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 76

72 QUESTION DE STYLE : L'ÉCRITURE DU DROIT SUR LES BLOGS

central est celui de "texte" (...). Mais il ne se comprend que dans la relation
qu'il implique entre auteur et lecteur, telle qu'elle est objectivée dans le
texte, qui la médiatise et porte avec lui toutes les lectures qui en ont été
faites, comme sa tradition propre : autonomie du texte, dans sa distance
par rapport aussi bien à l'auteur qu'au lecteur, dans une pluralité de sens
dont seul un archilecteur pourrait rendre compte »7.
Les deux interrogations entourent ce texte ; elles se l'approprient afin
de désassortir la production du texte et la lecture du texte, dans la mesure
où la posture de l'auteur ne détermine pas la démarche du lecteur qui saisit
l'occasion d'une halte internautique sur le texte. Elles s'inscrivent dans une
échelle de temps et d'espace marquée par des variations qui dissocient le
savoir des savoirs et qui désunissent les champs de la connaissance.

A. Producteurs de blogs juridiques,
des juristes et des connaisseurs
Identifier ces producteurs de texte ou du moins en esquisser une typologie
revient à s'intéresser à leur positionnement particulier révélé à travers les
billets enregistrés sur leurs blogs. L'observation de la blogosphère juridique
montre ainsi que dans la très grande majorité des cas l'auteur est un individu
et qu'il revendique cette individualité. Parfois, l'auteur peut être une équipe
d'individus partageant une même vision des choses du droit, une même
approche des mondes du droit. Le blog, en tant qu'outil de publication,
est dans les deux cas conçu comme un support de transmission de cette
vision, ce qui détermine donc ses usages.
Qualifié « juridique », le blog est approprié par des individus qui revendiquent leur qualité de juristes, plutôt que celle de père de famille, de
vacancier, de joyeux luron, d'amateur d'histoire militaire ou de cuisine
exotique, de militant politique, de philosophe universel, etc. En d'autres
termes, dans leur usage individuel ou collectif, ils choisissent de faire
prévaloir leurs titres et qualités, d'ordre professionnel. Le plus souvent
cette dimension de leur personnalité prime donc sur les autres sans toutefois
les faire disparaître. Tel est effectivement l'un des premiers critères à partir
duquel peut être discerné un « blog juridique ». La mise en exergue de la
qualité du blogueur focalise l'attention, quel que soit son statut professionnel, notaire, avocat, juge, administrateur, député ou sénateur, conseiller
juridique ou enseignant-chercheur. En même temps, pour que le blog puisse
être ainsi qualifié comme « juridique », les billets ou articles postés sur le
7. P. Moor, « Savoirs juridiques et savoirs sur le droit », Revue européenne des sciences
sociales, XLIII-131, 2005, p. 13.

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