Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 80

76 QUESTION DE STYLE : L'ÉCRITURE DU DROIT SUR LES BLOGS

ce type de lecteur s'applique à un unique objet : savoir si la connaissance
juridique qu'il identifie est ou non pertinente pour résoudre la situation
dans laquelle il se trouve ou qu'il risque de rencontrer. Le plus souvent la
réponse est négative et le contact s'interrompt.
Un autre type de lecteurs est constitué de citoyens qui cherchent à approfondir leur compréhension d'une question impliquant des connaissances
et des raisonnements juridiques, éventuellement à se faire une opinion
sur un débat politique d'actualité impliquant les mêmes déterminants.
L'interprétation à laquelle ce lecteur se livre est plus subtile mais elle n'est
pas le fait d'un lecteur formé au droit, ce qui relativise la justesse ou la
fiabilité des conclusions qu'il peut en tirer, tout en relevant que se trouve
ainsi confirmée une dissémination du savoir juridique. En effet, la répétition
de cette façon de s'informer et de réfléchir peut tout à fait constituer à terme
une réelle formation casuistique au droit et donner au lecteur de réelles
compétences de spécialité, comme cela a pu être démontré dans divers
champs du militantisme12.
Enfin le dernier type de lecteurs est celui des juristes de formation ou
de profession, qui cherchent à travers les blogs juridiques des éléments
d'analyse, des sources, des références de façon à réaliser d'abord un état
des lieux des arguments invoqués, ensuite à le compléter par leurs propres
recherches effectuées par d'autres canaux. Ils peuvent participer à une
discussion par le jeu des commentaires afin d'enrichir le débat ou faire
part de leur propre démonstration sur le thème exposé ; car, « au-delà de ces
fonctions de diffusion, de promotion et de communication le blog présente
des aspects novateurs et créatifs que tentent d'explorer certains d'entre
eux. Les écrits publiés sont alors centrés sur le processus de production et
d'élaboration de la pensée qu'elle soit individuelle ou collective. Il invite
à l'échange critique »13. Ils peuvent aussi produire eux-mêmes par la suite
une argumentation ou une interprétation qui aurait vocation à être publiée,
sur un autre blog ou dans une revue académique.

12. H. Michel et L. Willemez, « Investissements savants et investissements militants du
droit du travail : syndicalistes et « avocats travaillistes « dans la défense des salariés », et H.
Pernot, « Syndicaliste et savant, si loin, si proche. Les militants SUD-PTT et leurs rapports
avec les sciences sociales », in P. Hamman, J.-M. Méon, B. Verrier (dirs.), Discours savants,
discours militants : mélange des genres, Paris, Éd. L'Harmattan, coll. Logiques politiques,
2002, resp. p. 169 et p. 177. Y. Lochard, M. Simonet, « Les experts associatifs, entre
savoirs profanes, militants et professionnels », in D. Demazière et C. Gadéa, Sociologie
des groupes professionnels, La Découverte, coll. Recherches, 2010, p. 274.
13. V. Temperville, « De l'usage des blogs à l'université », Distances et savoirs, 2010/1,
p. 16.

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