Systèmes - La responsabilité du service public hospitalier - 2e - 30

La responsabilité du service public hospitalier

Devant le juge administratif, ce ne sont pas les individus qui sont en
cause, mais les actes d'agents publics et d'équipes médicales. Le juge
administratif a ainsi beaucoup moins de difficulté à appréhender les agissements d'équipes soignantes dans leur ensemble que le juge judiciaire11.
Lorsque le juge est saisi d'une argumentation sur l'existence d'une faute, il
lui appartient, au vu du dossier et en particulier de l'expertise, de qualifier
les faits tels qu'il tente de les reconstituer a posteriori. Il doit, pour cela,
résister à la tentation de réécrire les faits à la lumière de ce qui s'est
passé par la suite, mais au contraire, pour juger de la qualité de décisions
ou d'actes médicaux, tenter de se mettre à la place des équipes médicales
et de reconstituer leur démarche. Cela ne signifie en aucun cas manifester
une quelconque complaisance à leur égard, mais essayer de cerner au plus
près la vérité du déroulement des faits, avant de les juger, en particulier au
regard des données acquises de la science et des bonnes pratiques. Le juge
doit ainsi faire passer la limite de la responsabilité de l'établissement entre,
d'un côté, l'erreur sans conséquence, la maladresse légère ou l'imprudence
minime explicable par exemple par une situation d'urgence et, de l'autre, la
faute, c'est-à-dire la décision ou le geste clairement contraires aux règles
de l'art. Face à une société en attente de responsables, voire de coupables,
il appartient au juge de tracer cette frontière avec le plus de clarté possible
pour faire accepter que, en matière de santé, une obligation de moyens et
non une obligation de résultat pèse, la plupart du temps, sur le service
public. Les hypothèses les plus délicates se présentent par exemple lorsque
le diagnostic est particulièrement difficile à poser, lorsque plusieurs pistes
existent, lorsque le traitement prête à discussion ; le juge cherche aussi à
tenir compte des moyens dont disposent les praticiens. En l'absence d'urgence, le juge pourra ainsi se montrer plus sévère vis-à-vis de décisions
hâtives tandis que la nécessité d'une intervention rapide pourra exonérer
le service de sa responsabilité (CE, 7 mars 1986, Hôpital de Gray c/Voisin,
nº 41497).
À côté de la responsabilité pour faute, le juge administratif a développé
des hypothèses de responsabilité sans faute des établissements publics
hospitaliers. Cette approche, apparue avec l'utilisation d'une thérapeutique
nouvelle dans un cas où celle-ci ne s'imposait pas pour des raisons vitales
(CAA Lyon, 21 déc. 1990, Consorts Gomez : Rec. CE, p. 498), a trouvé un prolongement avec la jurisprudence sur la réalisation d'un risque exceptionnel
(CE, ass., 9 avr. 1993, Bianchi : Rec. CE, p. 127). En permettant l'engagement
de la responsabilité des hôpitaux publics en cas de survenance d'un aléa
médical ou chirurgical aux conséquences très graves, le juge administratif
a ainsi développé une jurisprudence très favorable aux victimes, mais lourde
de conséquences pour les finances des établissements hospitaliers.

11. Voir rapport annuel de la Cour de cassation 2007, étude « La santé dans la jurisprudence
de la Cour de cassation », p. 241 et s.

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