Bibliothèque de droit public - Tome 286 - La décision administrative - 303

LA SIGNIFICATION IMPÉRATIVE D'UN ACTE DE VOLONTÉ ARRÊTÉE

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regrouper en « deux types de normes éthiques »291 distincts : « les commandements,
d'une part, qui sont des instruments de direction autoritaire des conduites, leur
vocation instrumentale étant de constituer des modèles de conduite à suivre obligatoirement ; et les recommandations, d'autre part, qui sont des instruments de direction souple des conduites, leur vocation instrumentale étant de constituer des
modèles de conduite qu'il serait opportun, mais non obligatoire de suivre »292. En
simplifiant, ces deux grandes classes de normes peuvent s'articuler autour de deux
types de significations : les significations impératives et les significations incitatives.
415. Si le concept de norme, en tant que signification prescriptive d'un acte
de volonté, est apte à inclure tant les significations impératives qu'incitatives,
l'une comme l'autre ayant pour objet la direction des comportements, la question demeure de savoir si l'idée de décision administrative, définie comme un
type spécifique de norme juridique - unilatérale et soumise au contrôle du juge
administratif -, peut recouvrir également ces modes impératifs et incitatifs. Le
choix opéré ici, qu'il importera de justifier, sera de limiter le concept de décision
administrative, parmi les actes de volonté unilatéraux des autorités administratives, aux seuls actes de volonté impératifs (A), et d'exclure les actes de volonté
incitatifs (B).
A. LA LIMITATION DE LA DÉCISION ADMINISTRATIVE
AUX ACTES DE VOLONTÉ IMPÉRATIFS
416. Le critère de l'impérativité connaît en droit administratif un essor
remarquable depuis l'arrêt Mme Duvignères qui en a fait le point déterminant
de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre les circulaires administratives. Par-delà l'effet de mode, l'enjeu n'est pas dès ici d'examiner cette
question contentieuse, mais bien de caractériser, d'un point de vue abstrait, un
concept de « décision administrative ». À cet égard, la notion d'impérativité,
malgré ses imprécisions potentielles, est apte à isoler parmi les différentes manifestations de volonté de l'autorité administrative, celle que l'on pourra qualifier
de décision administrative. Elle seule, en effet, est de nature à poser les frontières
entre des situations ou des comportements licites, et des situations ou comportements illicites.
Toutefois, « l'impérativité, qui passe pour caractériser le droit administratif,
fait l'objet de définitions si nombreuses et si incohérentes, qu'elle manque, en fait,
de toute signification homogène et convaincante »293. Par conséquent, l'explicitation de la conception qui sera retenue de l'impérativité par la référence à l'idée
d'obligation (1) permettra ensuite d'envisager les types d'obligations possibles et
les divers actes administratifs impératifs (2).
291. P. Amselek, « Réflcxions critiques autour de la conception kelsénienne de l'ordre juridique », RDP 1978, pp. 5 et s., spéc. p. 18. Cette binarité est, en définitive, partagée par N. Bobbio, qui
distingue « entre les normes qui produisent des obligations, et celles qui n'en produisent pas »
(N. Bobbio, préc., p. 121).
292. P. Amselek, art. préc., spéc. p. 18. Cf. aussi C. Thibierge, « Le droit souple. Réflexion sur la
texture du droit », RTDCiv 2003, pp. 599 et s. : « Commandement et recommandation apparaissent
ainsi comme deux espèces distinctes d'un même genre : la norme ».
293. A. Ghellal, Recherche sur la notion d'effet impératif des actes administratifs unilatéraux,
th. Montpellier, 1973, p. 6-7. Cf. aussi C. Groulier, « L'impératif dans la jurisprudence Duvignères :
réflexion sur un « sésame contentieux » », RFDA 2008, pp. 941 et s., spéc. p. 941.

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