Bibliothèque de droit public - Tome 286 - La décision administrative - 57

L'INSAISISSABILITÉ DU CONCEPT DE DÉCISION ADMINISTRATIVE EN DROIT POSITIF

recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'elle estime
être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement./ Les autorités ou personnes intéressées sont tenues, dans un délai fixé par la haute autorité, de rendre
compte à celle-ci de la suite donnée à ces recommandations. La haute autorité
peut rendre ses recommandations publiques dans des conditions fixées en décret
en Conseil d'État./ En l'absence de compte rendu des personnes intéressées ou si
elle estime, au vu du compte rendu qui lui est communiqué, que sa recommandation n'a pas été suivie d'effet, la haute autorité peut établir un rapport spécial qui
est publié au Journal officiel de la République française ». Il est possible de soutenir d'une part que ce texte porte une véritable norme d'habilitation (ou plusieurs37), et d'autre part que l'une de ces habilitations l'autorise à prendre des
recommandations, c'est-à-dire des actes de volonté non impératifs. Il ressort très
clairement des travaux préparatoires de la loi que son article 11 est envisagé
comme une habilitation38. Les auteurs ayant commenté ces dispositions, et la
HALDE elle-même39, s'accordent également à souligner que la Haute autorité est
dotée d'une « compétence » pour prendre ces recommandations40. Saisi d'un
recours contre l'une d'elles, le Conseil d'État, dans un arrêt rendu le 13 juillet 200741, relève que la HALDE est dotée sur ce point d'une « compétence exclusivement consultative »42, et le commissaire du gouvernement affirme que ce pouvoir de recommandation figure au nombre des quatre « prérogatives »43 conférées
à la Haute autorité par la loi.
54. On ne trouve par ailleurs que très peu d'éléments pertinents dans les travaux préparatoires sur la teneur juridique de ces recommandations. On pourrait
dire cependant que, par définition, le comportement visé n'est que conseillé, non
imposé44. La seule obligation qui s'impose au destinataire est de répondre à la
HALDE et de rendre compte de la suite donnée à ces recommandations ; obligation qui peut être assortie d'une forme de sanction sur le terrain de la mise en
37. Habilitations à prendre des recommandations (al. 1er) et, dans certains cas, à publier ces
recommandations (al. 2 et 3).
38. Le rapport devant l'Assemblée nationale (P. Clément, Rapport devant l'Assemblée nationale,
n° 1827, 22 sept. 2004, p. 28), évoque un « pouvoir de recommandation », une « prérogative » par
laquelle « le législateur [...] autorise à faire des propositions ». Il poursuit en soulignant que « la Haute
autorité est habilitée à s'adresser à une personne physique comme à une personne morale qu'elle soit
privée ou publique ». Le décret d'application parle aussi du « champ de compétence » de la Halde
(Art. 23 du décret n° 2005-215 du 5 mars 2005, JORF, 6 mars 2005, p. 3862).
39. Dans la délibération n° 2005-09 du 6 juin 2005, la Halde, saisie d'un conflit de voisinage dans
lequel les protagonistes ne subissent aucune différence de traitement et où aucun critère prohibé n'est
invoqué, conclut à son incompétence.
40. C. Petit, S. Scalbert, « La loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de
lutte contre les discriminations et pour l'égalité », Gaz. Pal., 26 mars 2006, n° 85, pp. 2 et s. ;
A.-M. Leroyer, « Chronique Législation française », RTDCiv 2005, pp. 471 et s. (l'auteur parle d'un
« domaine de compétence très large ») ; R. Graëffly, « Vers une unification des politiques publiques
de lutte contre les discriminations », AJDA 2005, pp. 934 et s.
41. CE, 13 juill. 2007, Sté « Éditions Tissot », Rec. p. 335, AJDA 2007, p. 2145, concl. L. Derepas.
42. Cf. aussi CE, 27 mai 1987, SA « Laboratoires Goupil », Rec. p. 181.
43. L. Derepas, concl. préc. sur Sté « Éditions Tissot », spéc. p. 2146.
44. Quand bien même les termes d'un énoncé ne permettraient pas toujours, avant interprétation,
de déterminer s'ils ont pour signification une obligation ou une recommandation, il est intéressant d'observer le vocabulaire employé par la Halde. Ainsi de la Délibération n° 2009-14 du 12 janvier 2009 portant recommandation du Collège de la Halde concernant la prévention des discriminations et du harcèlement discriminatoire à raison de l'orientation sexuelle au collège et au lycée : « Le collège de la Halde
adopte les recommandations suivantes : [...] veiller à ce que le critère de l'orientation sexuelle soit pris en
compte au même titre que les autres critères de discrimination au sein des programmes scolaires et

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