Bibliothèque de droit public - Tome 286 - La décision administrative - 58

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LA DÉCISION ADMINISTRATIVE

cause publique de la réputation de la personne intéressée45. Toutefois, une telle
obligation ne résulte pas de la recommandation, mais de l'article 11 de la loi.
Selon le Conseil d'État, les recommandations ne jouissent pas, per se, du caractère
de décision en tant que leur contenu n'est pas obligatoire. Elles n'ont « ni effet
juridique, ni portée coercitive pouvant déboucher sur une sanction. Elles ne sont
donc pas a priori des décisions au sens de votre jurisprudence »46. Le Conseil
d'État réserve néanmoins l'hypothèse où la recommandation, prise sur le fondement de l'article 11 de la loi, aurait été rédigée de façon impérative. Elle perdrait
alors sa signification de simple recommandation pour se voir dotée des caractéristiques d'une véritable décision, en application des principes issus de la jurisprudence Duvignères47. L'hypothèse d'habilitations à prendre des recommandations,
relativement fréquente48, montre une nouvelle fois que la simple existence d'une
habilitation ne suffit pas à identifier avec précision ceux des actes de l'administration susceptibles d'être qualifiés de décision49.
s'assurer que le sujet de l'homophobie soit explicitement abordé dans les différentes disciplines pertinentes ». On constate ainsi que les recommandations sont formulées de manière souple et non contraignante, même lorsqu'elles portent sur la mise en œuvre de certaines obligations juridiques.
45. « On devine les conséquences d'une telle publication, dont la portée nominative ne peut que
rejaillir négativement sur les auteurs des pratiques qui y sont dénoncées » (P. Clément, rapport préc.,
p. 28). Cf. aussi Y. Mayaud, « La HALDE, une trop "Haute" autorité ? », DS 2007, pp. 930 et s.,
spéc. p. 932.
46. L. Derepas, concl. préc. sur Sté « Éditions Tissot », spéc. p. 2148.
47. CE Sect., 18 déc. 2002, Mme Duvignères, Rec. p. 463, concl. P. Fombeur. Ces principes ont
également été appliqués aux recommandations de bonnes pratiques établies par l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé en vertu de l'article L. 1111-9 du code de la santé publique
(CE, 26 sept. 2005, Conseil nat. de l'Ordre des médecins, Rec. p. 395).
48. Par ex. : recommandation de la CNIL prise sur le fondement de l'art. 22 de la loi n° 78-17 du
6 janvier 1978 (CE, 27 sept. 1989, SA Chopin, Rec. T. p. 832 et 432) ; recommandations de la commission des clauses abusives prises sur le fondement de l'article L. 132-4 du Code de la consommation
(CE, 16 janv. 2006, Féd. du Crédit Mutuel du Centre-Est Europe, Rec. T. p. 995, AJDA 2006, p. 828,
concl. M. Guyomar) ; recommandations du médiateur prises sur le fondement de l'al. 1er de l'art. 9 de
la loi du 3 janvier 1973 (CE, 18 oct. 2006, M. et Mme Miller, Rec. p. 430, Gaz. Pal. 2007, n° 84, p. 22,
note B. du Marais).
49. Au demeurant, l'hypothèse d'un pouvoir de recommandation, entendu comme habilitation
juridique à « recommander », s'avère compatible avec le concept de norme d'habilitation proposé par
G. Tusseau dans sa thèse. Selon lui, toute norme d'habilitation a la structure suivante : « Si l'acteur a
réalisé l'action - c'est-à-dire suit la procédure - p, ayant la signification subjective d'une norme n
relative au champ d'application ca et comprise dans le champ de réglementation cr, alors sa signification objective de norme doit être » (th. préc., pp. 306-307). Si l'on veut soutenir que l'article 11 de la
loi du 30 décembre 2004 est une « norme d'habilitation » au sens conféré à ce concept par G. Tusseau,
il faudrait pouvoir en identifier les différentes composantes. En l'espèce, l'acteur a est sans conteste la
HALDE. L'action p qu'elle réalise, c'est la formulation d'une recommandation. Celle-ci est relative à
un certain champ d'application (ca), c'est-à-dire à « tout fait ou toute pratique qu'elle estime discriminatoire ». La signification subjective de cette action (signification selon laquelle il faudrait ou serait
préférable qu'un comportement quelconque soit adopté par la personne à laquelle elle s'adresse) ne
peut toutefois être comprise comme étant une norme que si l'on accepte un concept strictement formel
de « norme », comme « toute signification d'un acte de volonté habilité ». G. Tusseau retient précisément un tel concept de norme (p. 252). Ainsi, la structure de l'article 11, en tant que norme d'habilitation, implique que lorsque la HALDE [a] formule une « recommandation » [p] (dont la signification
subjective est une norme [n] selon laquelle il faudrait ou serait préférable que tel ou tel comportement
soit adopté), relative à « tout fait ou toute pratique qu'elle estime discriminatoire » [ca] et comprise
dans un champ de réglementation [cr] (c'est-à-dire respectant les normes qui lui sont supérieures),
alors « sa signification objective doit être ». La référence à un « devoir-être » résultant de l'acte habilité
ne doit cependant pas tromper. En effet, selon G. Tusseau, une norme d'habilitation peut « autoriser
la production des normes les plus variées » (p. 307), notamment des normes dont la signification subjective ne serait pas nécessairement prescriptive. L'attitude consistant à rejeter du droit les énoncés
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