Grands Colloques - Droit et surnaturel - 111

TROIS SIÈCLES APRÈS SALEM

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liberté. En l'espèce, la protection des citoyens n'a pas été jugée comme étant
un argument suffisant. Pour les juges, « si les citoyens de Lincoln veulent
connaître leur avenir, ou croire dans la lecture des lignes de la main ou en la
phrénologie, ils sont libres de le faire dans notre système de gouvernement.
De même, ils sont libres de traiter avec des établissements ou des « professionnels »67 qui prétendent être versés dans ces arts. Le gouvernement n'est
pas libre de déclarer illégal certaines croyances, simplement parce que cela
le dérange. Les citoyens ont la liberté de croire que la terre est plate, que la
magie est réelle et que certaines personnes sont des prophètes ».
Dans d'autres affaires similaires et plus récentes, des villes américaines
ont tenté d'interdire l'installation du commerce de lecture des lignes de la
main ou de divination. Les avocats de ces municipalités ont souvent tenté
d'échapper au champ protecteur du premier amendement en se plaçant
sur le terrain économique. L'argumentation développée est généralement
la suivante : la promesse de lecture de l'avenir ne peut s'analyser en une
expression au sens du premier amendement, mais en un « commercial
speech ». Le règlement municipal prohibant ce type d'activités n'a donc
pas pour objet de restreindre la liberté d'expression, mais doit être compris
comme ayant pour but d'interdire la publicité commerciale trompeuse qui
constitue ainsi un « commercial speech ». La Cour suprême admet en effet
traditionnellement que les règles encadrant un « discours commercial »
ne reçoivent pas le même degré d'attention que celles régulant les autres
types de discours. Si le premier amendement protège les discours commerciaux contre les interventions injustifiées du gouvernement, « il existe une
distinction de bon sens à opérer entre les discours proposant une transaction
commerciale et les autres variétés de discours » 68. Pour résumer, la
Constitution « accorde une protection moins grande aux discours commerciaux qu'à ceux portant sur d'autres sujets »69.
L'idée de présenter l'offre de divination ou de lecture des lignes de la
main comme une offre purement commerciale ne convainc pourtant pas
les juges en règle générale. Par exemple, dans une affaire concernant la
ville d'Alexandria, la cour du district de Louisiane a jugé que le règlement
municipal litigieux violait le premier amendement70. L'arrêt adopte une
nouvelle fois une position très libérale et procède à des rapprochements
audacieux pour justifier l'implantation de professionnels de la divination :
« les citoyens doivent être autorisés à rêver, à imaginer et à avoir des visions
67. L'expression apparaît entre guillemets dans l'arrêt.
68. Ohralik v. Ohio State Bar Assn., 436 U.S. 447 (1978).
69. Central Hudson Gas & Electric Corp. v. Public Service Commission, 447 U.S. 557
(1980).
70. Adams v. City of Alexandria, 878 F. Supp.2d 685, W.D.La. (2012).

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