Grands Colloques - Droit et surnaturel - 39

SURNATUREL ET DROIT DES CONTRATS

On relèvera en revanche, pour l'anecdote, que lorsque c'est au contraire
une prestation d'astrologie qui est prévue au contrat, il faut parfois savoir
s'y tenir : c'est ce que nous enseigne un arrêt de la cour d'appel de Paris,
qui avait eu à connaître d'un contrat de fourniture d'accès à des services
télématiques conclu entre France Telecom et une entreprise qui était censée
proposer des services de voyance et d'astrologie et avait en réalité fourni
des services de messagerie rose et diffusé des contenus pornographiques. La
cour d'appel de Paris y a vu un comportement déloyal justifiant la rupture
du contrat par France Telecom32. En somme, pour la cour d'appel de Paris,
l'astrologie, c'est quand même mieux que la pornographie...
Enfin, un contrat pourrait-il être rompu au motif que les prédictions
de l'astrologue ou du voyant se révéleraient fausses ? À tout le moins,
la responsabilité contractuelle du voyant pourrait-elle être recherchée si
l'événement prédit ne se produit pas ?
S'agissant de prédictions, il semble difficile d'admettre qu'il puisse exister
en la matière une obligation de résultat quant à la fiabilité des prévisions
qui sont faites, et encore moins une obligation de garantie. De sorte qu'il
ne pourrait s'agir que d'une obligation de moyens. Mais, alors, comment
apprécier sa bonne exécution ? Rechercher quels soins un bon père de
famille aurait dû mettre pour faire ses prédictions est certainement un
exercice bien délicat ! Ce qui démontre qu'en admettant la validité des
contrats conclus avec les voyants et astrologues - et nous avons vu il y
a quelques instants que ce n'était pas évident - les difficultés rejaillissent
fatalement sur le terrain de l'exécution du contrat, l'appréciation de la
bonne ou mauvaise exécution étant extrêmement délicate.
Et en admettant même que le manquement contractuel du voyant soit
établi, les difficultés rejaillissent également sur le terrain du préjudice
réparable. Par exemple, comment apprécier l'étendue de la perte subie
par le chef d'entreprise qui aurait conclu une affaire catastrophique sur
les conseils de son astrologue, étant rappelé que seul le dommage prévisible et en lien de causalité avec le manquement est indemnisable ? Mieux
encore, un chef d'entreprise pourrait-il invoquer un préjudice réparable
s'il s'abstenait de conclure un contrat sur les conseils de son astrologue,
qui l'aurait mis en garde sur une mauvaise configuration des astres ? S'il
comprend après coup qu'il a manqué une bonne affaire par la faute de son
astrologue, qui aurait mal interprété la carte du ciel, pourrait-il invoquer
une perte de chance de conclure un contrat ? Et si la configuration astrale
rapportait pas la preuve de la réalité « et du sérieux » du motif invoqué pourrait-il laisser
entendre qu'il n'y avait tout simplement pas là un motif de licenciement ?
32. CA Paris, 25e ch., sect. B, 30 sept. 2005, n° 03/18446.

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