Contextes - Qu'est-ce qu'une discipline juridique ? - 117

NADeR HAKIM

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nécessairement un réajustement de la place du droit romain au sein de la
formation du juriste et la réaction tant des romanistes que des civilistes.
en première ligne, les romanistes se trouvent alors dans l'obligation
de défendre une science historique utile à la formation des juristes. Ils
se trouvent toutefois dans une situation relativement délicate lorsqu'ils
optent clairement, tel Girard ou plus tard Henry Lévy-Bruhl78, pour une
méthode essentiellement historique et donc une pure utilité culturelle.
La défense de l'histoire présente en effet une ambivalence sournoise. Si,
comme Charles Turgeon, ils affirment que « le droit romain ne peut plus
être matière à simple dialectique ou prétexte de pure argumentation. Il
importe d'apprendre à nos étudiants l'origine et l'évolution (...) Autrement
compris et enseigné, je suis convaincu que le droit romain fait plus de mal
que de bien »79, ils prennent le risque de perdre tout avantage comparatif
face à l'histoire du droit. Simple moment historique parmi d'autres, le droit
de Rome peut se voir préférer l'ancien droit français bien plus proche du
droit codifié, et bien plus conforme dans ses principes au droit que l'on veut
promouvoir en cette fin de xixe siècle. Les prises de position d'Adhémar
esmein, en sa qualité d'historien du droit français, sont symptomatiques de
cette ambiguïté et, dans cette optique, restreindre la part du droit romain
devenu historique pour faire place à un accroissement des enseignements
d'histoire du droit devient une conclusion logique déjà présente chez
certains analystes antérieurs80.
Aussi scientifiquement justifié qu'il soit, le pari de rompre avec la méthode
dogmatique, et donc avec toute utilité pratique, rend le positionnement des
romanistes éminemment fragile. C'est la raison pour laquelle la défense de
l'enseignement du droit romain, marqué par de profondes tensions entre les
méthodes81, tente souvent de sauvegarder les deux méthodologies contraires
mais jugées indispensables pour en justifier l'intérêt pratique. Apparaissent
78. « Pour le droit romain », Revue internationale de l'enseignement, tome 79, 1925,
p. 88-97. Il écrit notamment : « loin d'être une école de logomachie et de dogmatisme stérile,
le droit romain constitue un perpétuel et remarquable effort pour adapter le droit à un milieu
en transformations constantes. » Giffard écrit quant à lui : « Les deux méthodes, historique et
dogmatique, furent utilisées et se combinèrent jusqu'à la fin du xixe siècle (...) Aujourd'hui,
le droit romain est étudié partout comme un droit du passé, sans application directe à la
pratique. » (Précis de droit romain, Dalloz, 3e éd., 1938, n° 3, p. 2).
79. Ch. Turgeon, « L'enseignement des facultés de droit de 1879 à 1889 », Revue internationale de l'enseignement, tome 19, 1890, p. 289.
80. C'est notamment le cas de Paul Bravard Veyrières et de Brocher.
81. en témoignent les hésitations des professeurs de droit qui demeurent très partagés
entre un enseignement du droit romain à finalité pratique et donc dogmatique, refusant
par là même toute érudition, et un enseignement davantage scientifique et historique.
Cf. C. Accarias, Rapport adressé à M. le Ministre de l'Instruction publique au nom de la
commission des études de droit, 1874. Sur ce point, cf. not. J.-L. Halpérin, « L'histoire du
droit constituée en discipline... », op. cit., p. 19 ; J. Poumarède, « Pavane... », op. cit., p. 93.

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