Contextes - Qu'est-ce qu'une discipline juridique ? - 179

JuLIe BAILLeuX

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quasi-totalité des facultés de droit françaises proposent, à tout ou partie
de leurs étudiants, au moins un enseignement de droit communautaire
optionnel ou obligatoire.
or, si leur nombre demeure encore limité, la multiplication de ces cours
entre le début des années 1970 et le milieu des années 1980, représente
néanmoins, pour les aspirants professeurs, une incitation significative, et
pour les professeurs, de plus en plus nombreux, qui seront chargés de ses
enseignements, une contrainte à s'y investir et, par conséquent, à participer
au travail proprement doctrinal, sans cesse recommencé, d'analyse et de
rationalisation dont le droit issu de l'activité normative des Communautés
européennes doit faire l'objet - ne serait-ce que pour pouvoir être transmis
aux étudiants auxquels ils s'adressent. on assiste alors à un phénomène
de codification et de standardisation de la nouvelle discipline, dont l'existence d'un ordre juridique autonome, caractérisé par l'« effet direct » et la
« primauté » de ses normes à l'égard du droit interne des États membres,
s'impose comme l'épicentre. De fait, il n'y a pas grand-chose de commun
entre le droit incréé, transcendant, a-historique et a-politique que Jean
Boulouis présente à ses étudiants au début des années 1980 - et que l'on
a cité en introduction de ce texte - et la « théorie de l'ordre juridique
communautaire » que Claude-Albert Colliard défend en introduction de
son cours de « droit administratif européen » en 1965. en effet, l'existence
d'un ordre juridique communautaire autonome y a le statut d'une théorie,
parmi d'autres, à laquelle « on a eu recours »38 pour pallier les inconvénients
qui auraient résulté du respect des diverses solutions constitutionnelles
nationales en matière d'application des traités en droit interne 39, mais
de plus, Claude-Albert Colliard ne manque pas de préciser que cette
question « a fait l'objet de diverses opinions doctrinales en même temps
qu'elle a donné lieu aux différentes interprétations de la Cour de justice

document cité). Leur nombre est porté à 25 en 1972 (cf. « Diffusion des publications des
Communautés européennes dans les milieux universitaires. Rapport sur les Centres de
documentation européenne et les bibliothèques dépositaires d'universités 1971-1972 »,
AHCe, FDLV-65). Les premiers diplômes de second et troisième cycles spécialisés en droit
communautaire apparaissent au début des années 1970. une enquête de la Commission
fait ainsi état de l'existence de 93 enseignements et de 13 formations de troisième cycle
spécialisés en droit et/ou en économie communautaire en France en 1972 (cf. « Diffusion
des publications des Communautés européennes dans les milieux universitaires. Rapport
sur les Centres de documentation européenne et les bibliothèques dépositaires d'universités
1971-1972 », AHCe, document cité).
38. C.-A. Colliard, Droit administratif européen, Licence 4e année, Paris, Les cours de
droit, 1965-1966, p. 130.
39. « en raison de leur disparité, il a été nécessaire d'élaborer la théorie de l'ordre juridique communautaire, de manière à obtenir une solution qui soit la même partout », Ibid.,
p. 130-131
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