Contextes - Qu'est-ce qu'une discipline juridique ? - 264

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Le DÉPÉRISSeMeNT Du DRoIT CIVIL

technique d'intervention, qui consiste à réguler un marché là où il n'y
avait autrefois que de contrats, soumis à un principe de liberté perçu de
moins en moins favorablement. Ici, dans son principe, le mode contractuel
conserve son empire - avec la liberté qui lui est a priori chevillée au corps.
Précisément, c'est elle que l'on réduira en intercalant ici ou là des règles
d'ordre public - qui créent comme une carapace impérative de plus en plus
imposante, qui s'impose aussitôt que les parties ont convenu de s'organiser.
on peut déplorer le forçage du contrat par la loi, ce qui se fait régulièrement ; cela n'empêche en aucune manière la récurrence du phénomène.
or ces lois déclarées impératives sans autre raison que d'imposer des
règles étatiques à la volonté privée, se multiplient de façon inquiétante
dans la législation française, depuis le milieu du xxe siècle. on se bornera ici
à deux exemples. en matière contractuelle, l'ordre public conduit à feindre
de laisser l'initiative aux individus, quoique l'État leur impose ses désirs et
réduise leur autonomie toutes les fois qu'il répugne à leur laisser un libre
choix. et parfois, cela aboutit à des déséquilibres plus graves : en matière
matrimoniale, l'extension d'un statut primaire prétendument impératif
pour le tout a restreint l'utilité du régime matrimonial lui-même29.
L'accroissement du dirigisme se constate depuis le milieu du xxe siècle,
qui relève d'un objectif de réglementation plus efficace. Il s'ensuit que le
droit civil dépérit, et de façon d'autant plus sensible qu'un autre élément
de désarticulation est apparu, qui pèse de plus en plus lourd dans son
étouffement.

à dénoncer. Le recours au droit pénal vient marquer la règle d'une façon particulièrement
solennelle, qui renouvelle un ordre public par trop épuisé par des usages abusifs.
29. on pourrait compléter le panorama des méthodes en évoquant d'autres techniques
concourant à la marginalisation du droit civil - tel le refus de l'adapter aux besoins de
l'heure. Par la loi du 17 juin 2008, le législateur réduisait le délai de prescription des créances
civiles de façon drastique : de trente ans, on passait à cinq. or rien ne se produisit : aucun
trouble social, causé par quelque réveil douloureux de créanciers frustrés ; aucun afflux de
demandes ! Il faut croire que le monde juridique vivait avec une prescription trentenaire
qu'il avait depuis longtemps vidée de sa substance. La règle survivait néanmoins, mais sans
application notable.
une étude de la saisine héréditaire permettrait de montrer de quelle façon le législateur
abandonne les individus à leur sort, quand l'État n'est pas concerné. Il est vrai que les
droits de mutation sont perçus six mois après le décès, ce qui est l'essentiel. Pour le reste,
le désordre dans lequel les héritiers se trouveront plongés pour la gestion de l'hérédité
n'intéresse pas un État déjà satisfait. D'où cette institution incompréhensible sur le plan des
notions, à l'efficacité nulle sinon négative, et contournée par tous les arrangements præter
legem entre le notariat et les grands comptes sociaux.

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