Contextes - Qu'est-ce qu'une discipline juridique ? - 293

DANIÈLe LoCHAK

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on se propose de mettre à l'épreuve ces hypothèses à partir de trois
« études de cas ». L'idée est de montrer comment l'existence puis l'extinction des controverses doctrinales ont pu jouer un rôle dans l'investissement
ou le désinvestissement des civilistes et des spécialistes de droit international public pour les questions touchant à la condition des étrangers, d'une
part, comment et sous l'influence de quels facteurs ont été redessinées les
frontières du droit international privé, d'autre part.

A. Controverses autour de la notion de « droits civils »
Alors qu'à la Révolution les étrangers s'étaient vu reconnaître une égalité
presque complète avec les Français sur le plan des droits civils, le Code
civil marque une nette régression en les privant à nouveau d'un certain
nombre de droits. Si ce code parle des étrangers, explique Portalis, c'est
parce qu'il faut « marquer jusqu'à quel point ils peuvent, dans les choses
civiles, être assimilés aux Français, et jusqu'à quel point ils en diffèrent ».
Cette question mobilise les membres du Corps législatif qui, en ce qui
concerne les droits dont les étrangers ne sont pas expressément privés,
optent finalement pour un principe de réciprocité : l'article 11 prévoit que
« l'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont
ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet
étranger appartiendra ». Mais l'étendue des droits accordés ou refusés aux
étrangers qui ne bénéficient pas de la réciprocité dépend de l'interprétation
qu'on donne de la notion de « droits civils ». Cette disposition « sibylline »
(Niboyet), va donc donner lieu tout au long du xixe siècle et pendant une
bonne partie du 20e à d'amples controverses doctrinales.
Pour Demolombe (Cours de Code Napoléon, 1re éd., 1844, 3e éd., 1865),
les « droits civils » doivent s'entendre comme l'ensemble des droits privés
reconnus par les lois civiles : ils sont l'apanage du national et déniés par
principe à l'étranger sauf disposition expresse ou implicite d'un texte.
L'étranger ne peut jouir des droits civils que pour autant que ces droits
lui sont concédés par une disposition expresse ou de façon implicite.
Aubry et Rau (Cours de droit civil français, T. I, 1re éd., 1838, 6e éd.,
1936) proposent d'interpréter la notion de droits civils à la lumière de la
distinction de l'ancien droit entre les facultés de droit des gens - considérées comme découlant du droit naturel - et les facultés de droit civil, dont
l'établissement est plus spécialement l'œuvre du droit national et dont
l'étranger ne peut jouir à moins qu'il ne remplisse les conditions spéciales
posées par la loi.
Demangeat (Histoire de la condition civile des étrangers en France dans
l'ancien et le nouveau droit, 1844) dont la thèse est reprise par Valette
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