Hors collection - Qu'est-ce qu'une discipline juridique ? - 37

SÉGoLÈNe BARBou DeS PLACeS, FRÉDÉRIC AuDReN

la discipline, un ou plusieurs mythes fondateurs, des pères fondateurs
à l'origine d'une école87. on ne compte plus, dans les rendez-vous annuels
des associations ou sociétés savantes, les sessions consacrées aux grands
maîtres de la discipline (un tel rendez-vous est systématisé à l'Association
française pour la recherche en droit administratif). La reconnaissance de
ces maîtres est parfois menée rétrospectivement, pour énoncer l'existence
d'une lignée, d'une cohérence, d'une appartenance. Parfois le récit disciplinaire nécessitera d'exagérer la différence avec le rameau principal dont
on se sépare. en tout état de cause, une culture commune existe ou est
convoquée, qui est une approche particulière d'un corpus identifié ; elle
structure incontestablement la discipline.
Il est impossible de dire à partir de quand une communauté pourra
revendiquer l'appartenance au groupe des disciplines juridiques. Il n'y
a pas non plus de conditions minimales ni de seuil quantifiable ou objectivable de la qualité disciplinaire. Ainsi, l'existence d'une association peut
servir à assoir la reconnaissance d'une discipline mais il est aussi possible
qu'elle vienne, a posteriori, en constater l'existence. La reconnaissance
par les autres juristes (ou leur passivité) aura parfois un rôle constitutif.
Nous apprenons ainsi des sciences sociales qu'une discipline juridique est
constituée quand est assurée la conjonction de différents aspects (épistémologiques, méthodologiques, pédagogiques, institutionnels), quand elle
fait sens et devient « crédible » ou nécessaire pour combler un manque dans
le découpage disciplinaire.
Penser la science du droit avec la discipline conduit donc à prêter une
attention particulière à ces activités quotidiennes, ces agencements, ces
pratiques et ces objets qui structurent la pensée des juristes, l'ordonnent
et lui permettent d'exister. une telle réflexion conduit à insister sur ce qui
permet au savoir, dans le quotidien des facultés de droit, de se construire
et se développer. C'est dire combien une discipline est un construit.

B. Le caractère conventionnel des disciplines juridiques
Pour qu'une discipline (et un découpage disciplinaire) existe, il faut à la
fois un accord entre les porteurs sur l'identité de la discipline et une reconnaissance par les membres extérieurs de la qualité disciplinaire. Il y a donc
en principe, à l'origine de la discipline, un consensus88. C'est pourquoi dans
87. J. Chevallier, « La fin des écoles ? », Revue du droit public, 1997, n° 3, p. 679-700 ;
S. Gilbert, « Les écoles doctrinales », in La doctrine en droit administratif. Actes du colloque
organisé par l'Association française pour la recherche en droit administratif, LexisNexis,
2010, p. 89-145.
88. J.-L. Fabiani, « À quoi sert la notion de discipline ? », in J. Boutier, J.-C. Passeron et
J. Revel (dir.), op. cit., p. 11-34.

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