Bibliothèque de droit public - Les normes non directement applicables en droit public français - Tome 287 - 150

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LES NORMES NON DIRECTEMENT APPLICABLES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

l'Union européenne. Elle implique un important changement de démarche. La
construction de la notion de directive et, partant, d'une nouvelle conception de la
transposition, se fonde sur la description des effets du droit européen à partir de
la pratique institutionnelle et des arrêts de la Cour de justice. Un des premiers
éléments traduisant cette évolution est l'adoption définitive du terme de transposition et son emploi exclusif concernant les directives européennes, qui a pour but
d'exprimer la spécificité de « l'opération par laquelle l'État membre destinataire
d'une directive communautaire procède à l'adoption des mesures nécessaires à sa
mise en œuvre »32. Un des seconds éléments est la reconnaissance d'un effet direct
conditionné de la directive non transposée en droit interne.
250. La notion de résultat à atteindre ne peut constituer un critère opératoire
de partage entre les compétences de l'Union européenne et les compétences nationales. L'opposition abstraite entre le résultat à atteindre et les moyens pour y parvenir s'avère particulièrement difficile à réaliser de manière pertinente et peu opératoire en pratique. La détermination des éléments relevant de l'une ou l'autre
qualification ne peut se faire que de manière casuistique, in concreto. L'appréciation de ce résultat connaît des divergences selon qu'elle est faite par les institutions
européennes, soucieuses de l'effet utile des actes de l'Union, ou par les pouvoirs
publics nationaux, souhaitant préserver la souveraineté étatique ; ce qui relève des
problématiques topiques de la confrontation des systèmes. Dans ce contexte, la
Cour de justice contredit la position classique selon laquelle les normes finalistes
ne jouiraient pas d'une normativité complète, en affirmant : « les dispositions d'une
directive ont à l'égard des États membres destinataires un effet non moins contraignant que celui d'une autre règle du droit communautaire »33.
251. Certaines directives apparaissent particulièrement précises et détaillées,
ce qui réduit considérablement la marge de manœuvre des États membres, comme
le constate le Conseil d'État dès 199234. De plus, certaines interprétations de la
Cour de justice peuvent avoir pour effet de réduire la transposition à une transcription, voire à une copie de la directive35. La Cour déduit dans de tels cas qu'« il
faut en conclure que (...) la directive ne ménage pas de marge d'appréciation aux
instances nationales, de sorte que les termes de la directive doivent prévaloir sur les
dispositions qui seraient incompatibles avec elle dans chaque État membre »36. Le
but fixé par la directive a pour effet de réduire la transposition à une reproduction
du contenu de la directive par l'édiction d'une norme interne. Cependant, toutes
les directives ne sont pas aussi détaillées et précises. Leur géométrie est variable37
et leur formulation conditionne l'ampleur de la transposition38. Ainsi, la Cour
32. SIMON D., op. cit., p. 34.
33. CJCE 21 juin 1973, Commission c. Italie, 79/72, Rec. p. 667 ; Somm. p. 667 et point 7 p. 672.
34. Conseil d'État, Rapport public annuel 1992, Le droit communautaire, EDCE, n° 44, Paris, La
Documentation française, 1993, p. 21-22 : « aujourd'hui les directives communautaires sont aussi précises sur les moyens que sur les objectifs ; entre leurs longs considérants, leur dispositif complexe, et leurs
annexes volumineuses, elles ressemblent moins à des lois - ou, a fortiori, aux lois-cadres qu'elles devaient
être initialement - qu'à des catalogues et des modes d'emploi ».
35. Tel est le cas de l'affaire Enka relative à une directive dont le résultat à atteindre était l'application uniforme du tarif douanier commun : CJCE 23 nov. 1977, Enka c. Inspecteur der Invoerrechten
en Accijnzen, 38/77, Rec. p. 2203.
36. A l'occasion d'une disposition de la directive relative aux marchandises qui ont résidé en
entrepôt sur le territoire de l'Union européenne, CJCE 23 nov. 1977, précité, point 17 p. 2213.
37. KOVAR R., op. cit. ; PORTA J., op. cit., p. 103 ; SIMON D., op. cit., en particulier p. 49 et 50.
38. Comme le constate D. SIMON, op. cit., p. 49.

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