Bibliothèque de droit public - Les normes non directement applicables en droit public français - Tome 287 - 281

L'INVOCABILITÉ, NOTION PLURIELLE

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29 juillet 1998, le Conseil constitutionnel a qualifié d'objectif de valeur constitutionnelle la "possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent", il n'a pas
consacré l'existence d'un droit au logement ayant rang de principe constitutionnel ;
que les stipulations relatives à l'accès des particuliers au logement qui sont contenues
dans certaines conventions internationales ratifiées par la France ne créent d'obligation qu'entre les États parties à ces conventions et ne produisent pas d'effet direct à
l'égard des personnes privées ; qu'ainsi, les organisations requérantes ne sont pas
fondées à soutenir que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se
réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, ou lesdites conventions
garantiraient l'exercice d'un droit au logement qui présenterait le caractère d'une
liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du Code de justice
administrative ». L'établissement d'une distinction entre les catégories juridiques
de principe constitutionnel et d'objectif constitutionnel emporte des conséquences sur l'applicabilité du contenu normatif : les principes (et les droits)
s'adressent aux individus, peuvent constituer des libertés fondamentales au sens
de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative et sont donc invocables ; les
objectifs s'adressent au législateur, ne sont donc pas de nature à constituer des
libertés fondamentales, et ne sont donc pas invocables140. Comme le souligne
Pierre DE MONTALIVET, d'autres décisions ultérieures141 confirment l'emploi
de ce raisonnement142. Pour autant, n'est-il pas pertinent d'en conclure que les
normes non directement applicables ne peuvent pas être qualifiées de liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative de ce
simple fait, et, réciproquement, que seules les normes directement applicables
peuvent faire l'objet de cette qualification. Si le droit au logement n'est, à l'origine, pas considéré comme qualifiable de liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative, le Conseil d'État décide le
10 février 2012 qu'« il appartient aux autorités de l'État de mettre en œuvre le droit
à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve
en situation de détresse médicale, psychique et sociale ; qu'une carence caractérisée
dans l'accomplissement de cette tâche peut, (...) faire apparaître (...) une atteinte
grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des
conséquences graves pour la personne intéressée ; qu'il incombe au juge des référés
d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant
compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la
nombre des libertés fondamentales au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, alors
même qu'il constitue un objectif à valeur constitutionnelle », CE, ord. réf., 23 mars 2009, Ministre de
l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire c. M. Gaghiev et
Mme Gaghieva, n° 325884, Rec., Tables, p. 789 ; AJDA, p. 679, note Z. AÏT-EL-KADI.
140. TRÉMEAU J., Le référé-liberté, instrument de protection du droit de propriété, AJDA, 2003,
p. 657. Cité par P. DE MONTALIVET, Les objectifs de valeur constitutionnelle, Paris, Dalloz, Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle, 2006, p. 491. Il est important de noter que cette distinction
est reprise et développée par le commissaire du Gouvernement Mattias GUYOMAR, dans ses conclusions sur CE 19 juin 2006, Association Eau et rivière de Bretagne, précité, BJCL, 7/06, p. 475 à 478,
p. 476 : les distinctions établies par le Conseil d'État « doivent être rapprochées de celles que le Conseil
constitutionnel établit entre les objectifs et les principes de valeur constitutionnelle. En toute rigueur en
effet, les premiers impliquent une médiation législative pour être invocables devant le juge ordinaire tandis
que les seconds sont d'application directe devant lui ».
141. CE, ord. réf., 19 janv. 2005, Chevalier, n° 276562, Rec. p. 23 ; CE, ord. réf., 8 sept. 2005,
Garde des Sceaux, ministre de la Justice c. Bunel, n° 284803, Rec. p. 388 ; LPA, n° 228, 16 nov. 2005,
p. 6, note C. CLÉMENT ; AJDA, 2006, p. 376, note M. LAUDIGEOIS ; D., 2006, n° 2, Jur., p. 124,
note X. BIOY.
142. DE MONTALIVET P., op. cit., p. 491.
http://www.142.DE
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