Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 104

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L'ORDRE JURIDIqUE INTERNATIONAL

D. Interprétation historiographique
« Si cet exemple, qu'ont donné les traités d'Utrecht, de Bade, & de Rastadt,
prouve quelque chose, c'est que les renonciations à la future succession d'un
État Souverain sont bonnes »78 (Réal de Curban, 1764).

Cette séparation des couronnes a fait l'objet de deux grands articles
d'Alfred Baudrillart (1859-1942) dans la Revue d'Histoire Diplomatique79.
Baudrillart, auteur d'un ouvrage en cinq volumes dédiés à Philippe v et à la
Cour de France, ne voyait pas d'inconvénient à l'application des clauses des
traités d'Utrecht80. Pire encore, les attaques juridiques de Philippe v contre
les traités d'Utrecht sont qualifiées de « criminelles ». Pour Baudrillart, il ne
fait pas de doute que Philippe v était appelé au trône d'Espagne sur base
du testament de Charles II, mais avec la condition explicite de renoncer à
ses droits sur la monarchie française :
« Même en admettant l'invalidité des renonciations d'Utrecht, depuis que
Philippe v a recueilli le sceptre d'Espagne, ni lui, ni ses descendants n'ont
droit au trône de France [...]. Philippe v n'a pas été roi d'Espagne simplement
en tant que petit-fils de Marie-Thérèse, mais seulement parce que cette qualité
se trouvait dans un prince cadet qui ne pouvait succéder immédiatement ni
à Louis XIv, ni au Dauphin » 81.

La question redevenait d'une certaine actualité au xixe siècle, vu les
problèmes de succession au sein de la maison Bourbon, et fut même
redécouverte à l'occasion de la guerre franco-prussienne. Le grand ouvrage
d'Arsène Legrelle (1834-1899) sur la Diplomatie Française et la Succession
d'Espagne vibre encore de ressentiment à cet égard82. En 1914, la librairie
Honoré Champion publie la thèse pour le doctorat en droit de Sixtus de
Bourbon-Parme (1886-1934), consacrée au « Traité d'Utrecht et les lois
fondamentales du Royaume »83. Bourbon-Parme, descendant de Philippe v
par sa seconde épouse, Elisabeth Farnèse, y attaque l'imposition des renonciations, les registres du parlement de Paris et le mémoire dévastateur du
futur chancelier d'Aguesseau à l'appui. Plus récemment, Madeleine Haehl
et Françoise Hildesheimer se sont basées sur ces mêmes sources, pour
dénier tout caractère juridique à l'enregistrement des renonciations84.
78. G. Réal de Curban, La science du gouvernement, op. cit., t. II, 102.
79. A. Baudrillart, « Examen des droits de Philippe v », loc. cit., p. 161-191 et 354-384.
80. A. Baudrillart, Philippe V et la cour de France, Paris, Firmin-Didot, 1890.
81. A. Baudrillart, « Examen des droits de Philippe v », loc. cit., p. 176.
82. A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit.
83. S. de Bourbon-Parme, Le traité d'Utrecht, op. cit.
84. M. Haehl et F. Hildesheimer, « L'enregistrement des traités (xvie-xviiie siècle).
Autour de la paix d'Utrecht », in O. Poncet (dir.), Diplomatique et diplomatie : les traités
(Moyen Âge-début du xixe siècle), Paris, École des chartes, 2015, p. 150-152.
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