Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 160

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LA NORMATIvITÉ

qu'en réalité à travers la frontière entre pays de coutumes et pays de droit
écrit que Klimrath avait cherché à reconstituer, pouvait exister dans la
pratique une zone de transition entre les deux traditions, en quelque sorte
une zone de marche qui avait son originalité15.
D'un autre côté quant aux textes importants des pays de coutumes, certes
pourrait-on conjecturer que l'abondance de savants commentaires a, dès
le début du xixe siècle, détourné les historiens des recherches sur les actes
de la pratique ; cela d'autant plus que peu fréquents étaient les écrits des
anciens auteurs qui en faisaient état. En effet dans les pays de coutumes où
était beaucoup plus vaste, voire complète l'expression écrite des coutumes,
un doute sérieux peut s'élever cependant sur la portée de ces textes, surtout
là encore à l'égard des populations paysannes, particulièrement dans le
domaine du droit privé qui concerne essentiellement les intérêts familiaux.
Jean Yver en son temps regrettait qu'en Normandie l'horizon historique
soit singulièrement réduit par la pénurie de documents de la pratique
médiévale comparables à ceux considérables des pays de droit écrit. Mais,
pour autant, se trouvent néanmoins, dans certains pays coutumiers, postérieurement au xvie siècle, des fonds importants d'actes de la pratique, ainsi,
par exemple, pour les archives départementales conservées à Caen.
Or, les études fondées sur des archives notariales dans les pays de
coutumes il y a plus d'une vingtaine d'années faisaient déjà apparaître très
généralement l'originalité particulière de ces sources et un écart sensible
avec les documents normatifs, c'est-à-dire les textes de coutumes. Cela a
été depuis longtemps remarqué pour le ressort coutumier de Bourgogne,
dans le Nivernais et en Auxerrois, mais aussi en Lorraine ou en Alsace ou
bien encore dans des régions du Nord16.
Plus précisément, à cette époque qui était celle des rédactions officielles
des coutumes, correspondent des indications particulièrement précieuses
que l'on peut trouver chez certains commentateurs sur la portée réelle de
cette législation à l'égard des ruraux.
En effet, le fait apparaît très nettement à propos des coutumes rédigées
de certains pays de l'Ouest (Angoumois, Aunis, Saintonge, Poitou) et
constitue même un exemple fort net. Des commentateurs de ces coutumes
ont ressenti la nécessité d'introduire des digressions dans leurs commentaires des textes officiels, et cela complètement en dehors, voire à l'encontre
des dispositions de la coutume. Car ces digressions avaient pour but de
15. voir notre étude, « Coutumes et droit écrit : recherche d'une limite », Mémoires de
la Société pour l'histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois
et romands, t. 40, 1983, p. 153-175.
16. voir notre ouvrage La vie du droit, coutumes et droit écrit, Paris, Presses universitaires
de France, 1994, p. 262 et s.

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