Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 203

LA CONTROvERSE ENTRE MICHEL TROPER...

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II - LES MÉTACONCEPTS ET LE STATUT
DE L'ANACHRONISME
C'est dans un deuxième temps de sa réflexion que Michel Troper
exprimera le besoin de recourir à des métaconcepts. Il n'en est pas encore
question au début des années 1990, ils apparaissent dans les années 2000.
L'avènement du « méta » date du colloque de 2008 à Cergy. Eu égard à
l'écart entre signifiant et signifié tant dans l'espace (droit comparé spatial)
que dans le temps (droit comparé historique), l'analyste ne peut se contenter
de concepts qui sont irréductibles à un lieu et à un temps donnés : « Le
théoricien (ou le comparatiste) doit créer un métaconcept capable de décrire
des concepts »10. La conclusion est nette dans les Mélanges Darcy : « Les
métaconcepts juridiques ne doivent rien à l'histoire, mais permettent seuls
de la comprendre »11. Or, la construction de métaconcepts est le moyen
pour Michel Troper de renier la nécessité et la légitimité de l'anachronisme.
De manière radicale, le mot « anachronisme » est devenu péjoratif : en 1992,
seul l'anachronisme des faits était condamné ; désormais, c'est l'anachronisme des concepts qui est jeté aux orties, même si Michel Troper prend
encore la précaution d'écrire que « l'usage des métaconcepts est donc très
différent de l'anachronisme au sens habituel du terme »12.
La dernière publication de Michel Troper consacrée à cette question
prouve combien l'effort est désormais attaché aux métaconcepts, définis
comme « une expression qui se réfère à une classe de concepts », « une ou
plusieurs expressions ayant pour signifié les concepts juridiques ». Pour
construire des métaconcepts, deux voies s'offrent aux bâtisseurs, je n'ose
dire aux faiseurs de systèmes : la méthode déductive à la Marc Bloch ou à
la Max Weber, et la méthode inductive, qui est celle de la théorie générale
du droit. Jamais Michel Troper n'emploie ce couple de mots, mais il
écrit : « Les métaconcepts de la théorie du droit peuvent être obtenus soit
par abstraction soit par généralisation à partir du droit positif d'un pays
donné »13. C'est bien la méthode inductive et la méthode déductive qui sont
sous-jacentes. La seconde, mais c'est sans doute une affaire de formation,
de caractère ou de goût, m'a toujours semblé plus sûre et plus économique
(car on parvient toujours à un résultat). Et cette méthode déductive se
confond avec la méthode historique, comme le soulignait Saleilles : « La
méthode historique est la méthode scientifique par excellence. Dégagée de
10. M. Troper, « Les concepts de l'histoire constitutionnelle », loc. cit., p. 89.
11. M. Troper, « Les concepts juridiques et l'histoire », loc. cit., p. 845.
12. M. Troper, « Les concepts de l'histoire constitutionnelle », loc. cit., p. 91.
13. M. Troper, « L'histoire du droit et la théorie générale du droit », loc. cit., p. 391,
393 et 395.

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