Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 221

LA CONTROvERSE vILLEY-TIERNEY

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se caractérise par une intuition sur l'origine des droits naturels individuels
et par sa focalisation sur une période. L'intuition est celle de la genèse de
l'idée de droit naturel dans un sens subjectif, non à l'aube des démocraties
modernes, mais au cœur d'une société animée par une vision communautaire. La période serait le xiie siècle, avant le « moment ockhamien »
incriminé par villey. Tierney a consolidé sa théorie par plusieurs articles
importants, dont on ne peut présenter ici qu'une synthèse28. Il convient
aussi de souligner que cette piste a été largement suivie et précisée par
Reid29.
Selon Tierney, villey aurait sur-interprété la supposée nouveauté
introduite par Ockham, car le droit subjectif se manifesterait de façon
significative dès le xiie siècle. De fait, on pourrait même en trouver des
traces dans le droit romain, ce que villey avait précisément exclu, en disant
que celui-ci avait toujours soigneusement distingué les notions de potestas
et ius30. Tierney ne méconnaît pas les raisons profondes de la thèse de
villey31, mais, selon Tierney, les études de Pugliese32, auxquelles il faudrait
ajouter celles de Donahue33, montraient que les Romains avaient développé
28. Outre les ouvrages précédemment cités, il faudrait aussi mentionner des études plus
anciennes, dont nous ne retenons que les plus significatives pour notre sujet : « Tuck on
Rights: Some Medieval Problems », History of Political Thought, 1983, vol. 4, p. 429-441 ;
« Marsilius on Rights », Journal of the History of Ideas, 1991, vol. 52, no 1, p. 3-17.D'autres
études complètent sa théorie : « Permissive Natural Law and Property: Gratian to Kant »,
Journal of the History of Ideas, 2001, vol. 62, p. 381-399 ; « Natural Law and Natural
Rights: Old Problems and Recent Approaches », The Review of Politics, 2002, vol. 64,
p. 389-406 et, dernièrement, Liberty and Law: The Idea of Permissive Natural Law, 11001800, Washington, D. C, The Catholic University of America Press, 2014.
29. C. J. Reid, « The Canonistic Contribution to the Western Right Tradition: An
Historical Inquiry », Boston College Law Review, 1991, vol. 33, p. 37-92.
30. C'est une des thèses fortes de villey, à laquelle s'est attaqué Tierney. Il s'appuie
surtout sur un article plus ancien de villey : « L'idée du droit subjectif et les systèmes juridiques romains », Revue historique de droit français et étranger, 1946, vol. 24, p. 201-227.
villey était ultérieurement revenu sur ces thèses : « Les Institutes de Gaius et l'idée du droit
subjectif », loc. cit. ; La formation, op. cit., p. 244-248. voir aussi dans tout le chapitre Iv,
p. 100 et s. de La formation, ainsi que, en particulier p. 245. villey reviendra enfin largement
sur ce thème vingt ans plus tard, dans un livre que n'ignore pas Tierney : Le droit et les
droits de l'homme, op. cit., p. 55-79.
31. voir en particulier la lecture précise que Tierney fait de villey dans « villey, Ockham
and the Origins of Individual Rights », loc. cit., p. 16-17.
32. G. Pugliese, « Res corporales, res incorporales e il problema del diritto soggettivo »,
in Studi in onore di Vincenzo Arangio-Ruiz, Napoli, 1954, p. 223-260. La question de
l'existence d'une notion de droit subjectif chez les Romains est aussi reprise chez R. Tuck,
Natural Rights Theories: Their Origin and Development, Cambridge (UK), Cambridge
University Press, 1979, p. 7-15. Tuck y critique surtout l'approche de Pugliese.
33. C. Donahue, « Ius in the Subjective Sense in Roman Law: Reflections on villey and
Tierney », in A Ennio Cortese. Scritti promossi da D. Maffei e raccolti a cura di I. Birocchi,
M. Caravale, E. Conte e U. Petronio, Rome, Il Cigno, 2001, t. I, p. 506-535.

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