Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 233

LA CONTROvERSE vILLEY-TIERNEY

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philosophiques, théologiques ou juridiques offrent des prémisses, on ne
saurait cependant leur attribuer l'origine de la notion moderne de droit
subjectif.
Dans cette quête toujours pragmatique et prudente des occurrences de
l'idée de droit naturel, conçu comme droit subjectif, le droit canonique
médiéval du xiie siècle75 présenterait donc selon Tierney toutes les caractéristiques propices à l'émergence d'une réflexion renouvelée sur la nature
du droit76. C'est dans ce cadre que l'ancien terme ius naturale aurait alors
été conçu comme un pouvoir subjectif ou une faculté de l'individu, et
aussi comme une « zone de libre choix et d'autonomie », ce que l'on peut
en particulier deviner dans la notion de « loi naturelle permissive »77. Cette
conception subjective n'était alors en rien l'expression d'une certaine forme
d'individualisme, ce qui aurait été anachronique dans de telles sociétés,
admet Tierney ; elle répondait cependant à une vision de la personne
humaine comme individu libre et rationnel, capable de discernement moral
et lié à ses semblables par des devoirs de justice et de charité. Durant cette
période, les conceptions réaliste et subjective du droit cohabiteraient donc
en harmonie car, selon Tierney (et son objection historique à villey se
double alors d'une objection philosophique) elles ne sont pas contradictoires mais complémentaires78.
La thèse est aussi séduisante que problématique. Comment Tierney
justifie-t-il qu'il soit méthodologiquement possible de revenir aux
canonistes du xiie siècle sans commettre d'anachronisme ? Pour relever
présence du droit subjectif dans le droit romain, voir C. Donahue, « Ius in the Subjective
Sense in Roman Law: Reflections on villey and Tierney », loc. cit., p. 506, n° 3. : « Tierney
does not fully accept villey's reading of the Roman law. Ultimately, however, he seems to
concede it for purposes of argument. It is this seeming concession that makes the medieval
canonists seems more original than, I will argue, they actually were ».
75. « The Idea of Natural Rights-Origins and Persistence », loc. cit., paragr. 5. : « In
pursuing this theme, I came to think that the jurists of the twelfth century, especially the
church lawyers, played an important innovatory role. The problem, we shall see, is partly
one of juristic semantics, to understand how the little phrase ius naturale shifted from an
objective to a subjective meaning, how an ancient concept of natural law was reshaped into
a modern idea of natural rights ».
76. Ibid., paragr. 11.
77. Ibid., paragr. 8 : « Here [the canonistic jurisprudence of the late twelfth century], I
argue, we can find an important shift of language, a new understanding of the old term
ius naturale as meaning a kind of subjective power or ability inhering in individuals, along
with an influential doctrine of permissive natural law ». Tierney renvoie à C. J. Reid, « The
Canonistic Contribution », loc. cit.
78. « The Idea of Natural Rights-Origins and Persistence », loc. cit., paragr. 14. Tierney
renvoie à J. Maritain, The Person and the Common Good, 1966, p. 67. Tierney développe
aussi ces idées dans Foundations of the Conciliar Theory : the Contribution of the Medieval
Canonists from Gratian to the Great Schism, Cambridge (UK), Cambridge University
Press, 1955, p 100-108.

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