Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 36

LA NOTION D'ORDRE JURIDIqUE

une perfection relative procédant de l'ordre voulu par Dieu et selon lequel
sont disposées toutes choses ; toute diverses qu'elles sont, leur conformité à
cet ordre les ramènent à une unité accidentelle, mais qui participe de l'infinie
unité essentielle de Dieu. Cette référence à l'idée d'ordre immanent au
créé, Grossi la souligne par une autre référence, elle aussi mise en exergue.
Il cite le traité de la création de la Summa theologiæ de Thomas d'Aquin.
Il s'agit plus précisément du célèbre article 3 de la question 47, prima
parte ; le doctor angelicus y pose la question bien connue : « utrum sit unus
mundus tantum ? » Le passage qui a retenu l'attention de Grossi figure à
la responsa : « Mundus enim iste unus dicitur unitate ordinis, secundum
quod quædam ad alia ordinantur ». En raison de cette double référence
à Dante et à Thomas d'Aquin, il devient clair que pour Paolo Grossi,
l'ordine giuridico medievale est une espèce de tout d'ordre, tel que l'entend
la philosophie classique. Si, comme le pensait Anaxagore, est à l'œuvre
dans la nature une intelligence qui est cause de l'ordre26, alors l'« ordre
juridique » aura pour cause nécessaire le jus naturæ. C'est précisément à
cette conclusion que Paolo Grossi souhaite nous conduire. La notion de jus
naturæ lui permet précisément d'établir le lien logique entre l'« expérience
juridique médiévale » et l'« ordre juridique médiéval ». Comme le relève
fort justement le professeur Grossi, le droit constitue à l'époque médiévale
« la dimensione radicale et fondante della società »27. Or, ce qui transcende
les bouleversements politiques et sociaux de l'Occident chrétien, c'est
bien cette certitude nourrissant la recherche d'une harmonie dont la cause
exemplaire est la nature créée par Dieu. C'est cette cause que Paolo Grossi
désigne par ordo juris28. Et si cet ordo juris est bien médiéval, c'est qu'une
commune vision d'un monde voulu et aimé par un créateur provident,
traverse l'Europe latine du ve au xve siècle.
26. voir Aristote, Métaphysiques, A. 3. 984 b (H. Tredennick [éd.], Cambridge (Mass.),
Harvard University Press, 1961, p. 24, l. 15-17) : « νοῦν δή τις [Anaxagore] εἰπὼν ἐνεῖναι,
καϑάπερ ἐν τοῖς ζῴοις, καὶ ἐν τῇ φύσει τὸν αἴτιον τοῦ κόσμου καὶ τῆς τάξεως... ».
27. P. Grossi, op. cit., p. 14.
28. Ibid. : « La società medievale è giuridica, perché si compie e si salva nel diritto, giuridica
è la sua costituzione più profonda, e sta lì il suo volto essenziale, sta lì la sua cifra ultima.
A paragone delle rise della disordinatissima superficie contrasta l'ordine della secreta ma
presente costituzione giuridica. Un ordine che non si lascia scalfire dagli episodi grandi e
piccoli della vicenda strorica, perché si colloca al di là del potere politico e dei suoi detentori,
svincolato dalle miserie della quotidianità, collocato nel terreno fondo e sicuro delle radicazioni supreme, dei valori. Un valore - immanente - la natura delle cose, un valore - transcendente - il Dio nomoteta della tradizione canonica, l'uno in assoluta armonia con l'altro
secondo i dettami della teologia cristiana, constituiscono un ordo, un ordo juris. Un ordo
juris che pertanto non può non scandire il diritto positivo, i varii diritti positivi, secondo
gradi ascendenti di manifestazioni giuridiche che dalle regole transeunti e contigenti della
vita quotidiana salgono senza cesure, in spontanea e semplice continuità, al livello supremo
del diritto naturale e del diritto divino con tutta loro ricchezza di principi normativi eterni
e immutabili perché voce della Divinità stessa ». Add., p. 232-233.

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