Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 67

PENSER L'ORDRE JURIDIqUE ECCLÉSIASTIqUE

l'utilisation du droit romain « au service de la domination pontificale »5,
vont de pair avec la réforme du système juridictionnel assurant une véritable
hiérarchie des normes et des jugements. L'attribution au pape des fonctions
de juridiction suprême assure « l'unité de l'ordre canonique »6. Cependant,
le système canonique mérite d'être étudié en lui-même, afin de répondre à
la triple spécification induite par l'existence d'un ordre juridique.
Le premier point, relatif aux règles de conduite imposées à une communauté ne pose pas de difficulté particulière, à moins de considérer que le droit
n'existe que depuis Kelsen7. Depuis les origines, le christianisme impose
à ses fidèles des règles, des commandements, des préceptes qui ont pour
objet de les guider vers un but, le salut. Parmi ces règles, un des premiers
exemples vient des apôtres qui, lors du « concile » de Jérusalem réuni vers
l'an 49, défendirent aux fidèles de manger des idolothytes (Ac. 15, 29). C'est
une prescription négative, typique de la direction imposée à une communauté. Des règles de ce genre n'ont cessé d'être édictées par les autorités
ecclésiastiques, et le Saint-Siège continue aujourd'hui de poser des normes
obligatoires pour les fidèles baptisés8.
Le second point implique une structure en système, c'est-à-dire une
hiérarchie des normes et une interprétation authentique. Il mérite d'être
examiné plus en détail, au regard des décrétales, en sachant que ces solutions
sont à la fois toujours actuelles, et pour certaines d'entre elles antérieures
au xiiie siècle.
D'abord, la hiérarchie des normes. Le premier principe est que la
norme portée par le pape, véritable monarque de l'ordre ecclésiastique, est
générale, obligatoire et supérieure aux autres lois. Ce principe est assumé
du corps entier de droit progressant dans le temps et par un processus continu, constituent
les caractères distinctifs de la tradition juridique occidentale ».
5. Pour reprendre le titre d'un article fondateur de G. Le Bras, paru dans la Revue
historique de droit français et étranger, 4e sér., t. XXvII, 1949, p. 377-398.
6. E. Conte, « Ordo iudicii et regula iuris. Bulgarus et les origines de la culture juridique (xiie siècle) », in J. Chandelier et A. Robert (dir.), Frontières des savoirs en Italie
à l'époque des premières universités (xiiie-xve siècle), Rome, collection de l'École française
de Rome, 505, 2015, p. 161.
7. Il faut passer outre le sophisme qui ne considère une règle comme normative ou juridique (i.e. vraiment du droit) qu'au sein d'un ordre juridique, et qui démontre l'existence
d'un ordre juridique par la production de normes... Certains parlent alors de « logique
d'auto-régulation de la construction normativiste », X. Magnon, Théorie(s) du droit, Paris,
2008, p. 65-66.
8. Codex iuris canonici (1983), c. 11 : « Sont tenus par les lois purement ecclésiastiques
les baptisés dans l'Église catholique ou ceux qui y ont été reçus, qui jouissent de l'usage
de la raison et qui, à moins d'une autre disposition expresse du droit, ont atteint l'âge de
sept ans accomplis ».

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