Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 73

PENSER L'ORDRE JURIDIqUE ECCLÉSIASTIqUE

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prescrite par l'Église28. D'autres théologiens se montrent plus réservés, et
limitent ce scrupuleux respect des règles au domaine pénal, qui semble le
seul à être véritablement substantiel : « quando criminaliter proceditur,
tunc enim servari debet ordo iuridicus in quo nec Pontifex potest dispensare
cum sit de jure naturali »29. À titre d'exemple, la volonté homicide ne saurait
être imputée « si le crime n'est pas prouvé selon l'ordre juridique »30. C'est
ce sens restreint que retiennent les juristes.
Ainsi, « auprès des Jurisconsultes [...] ordo s'entend du juste déroulement du procès selon le droit, et est appelé ordo iuris »31. À l'inverse,
l'injustice (notamment d'une censure) se définit par l'absence de respect
des formes : « Iniustitia [...] proveniens ex defectu ordinis iuridici ad
valorem requisiti »32. Par exemple, une plainte est soulevée par un clerc fort
maltraité « sans aucun sujet ni aucun ordre juridique »33. On fait mention
d'actes impétrés « sans aucun ordre juridique ni en forme, mais seulement
avec un ordre simple par écrit de Son Éminence Monseigneur l'Archevêque »34, ou encore du défaut de force d'un décret qui « ne se fait pas
avec un certain ordre juridique, par Concile ou autrement »35. Dans une
acception similaire, on affirme qu'un accusé n'est pas tenu de répondre
« s'il est interrogé contre l'ordre juridique »36.
L'idée de respect du droit affleure aussi dans la position prise par
Louis XII lors d'une assemblée de l'Église gallicane tenue à Tours en
septembre 1500. Ce dernier, voulait « se mettre à couvert de ce que Jules [II]
autre théologien avait utilisé cette distinction, sans plus entrer dans le détail, v. Filliucci,
Quaestionum moralium [...] tomi duo, Lyon, 1634, p. 342.
28. « quidquid sit autem de illa distinctione duplicis ordinis, numquam debet omitti ulla
forma ab Ecclesia praescripta ».
29. Th. Hurtado, Tractatus varii resolutionum moralium, Lyon, 1651, t. II, tract. XII,
De examinatoribus synodalibus, cap. 1, lim. 4, n° 1667, p. 389. De même pour le dominicain
v. Candido, Disquisitionum moralium tomi duo, Lyon, 1638, disquis. XXII, De censuris,
dub. 3, p. 282 : « An censura lata, non servato ordine iuris, sit valida & justa ? »
30. P. di Bianchi, Disceptationes de difficilioribus materiis casuum, venise, 1630,
Disput. 1, De abortu, p. 2.
31. B. Pereira, Elucidarium sacrae theologiae moralis et juris utriusque ..., venise, 1678,
n° 1645, p. 466
32. A. Escobar y Mendoza, Theologia moralis, Lyon, 1652, t. I, lib. IX, sect. 1, cap. vIII,
n° 86, p. 392.
33. A. Godeau, Histoire de l'Église, Lyon, 1697, t. III, p. 23.
34. Mémoires historiques et chronologiques sur l'abbaye de Port-Royal-des-Champs,
Utrecht, t. 4, 1755, année 1707, p. 522.
35. Reformulation par Mgr Languet d'un reproche à lui adressé, Quatrième lettre pastorale de Mgr J. Joseph Languet, évêque de Soissons, au clergé de son diocèse, s. l. 1721, p. 32.
Il résume plus loin le grief de son adversaire qui réclame « un certain ordre juridique, ou
une certaine forme que vous appelez canonique ».
36. Dénonciation de la théologie de Mr Pierre Collet, s. l., 1765, p. 90.
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