Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 92

L'ORDRE JURIDIqUE INTERNATIONAL

centres de pouvoirs concurrents12. Alternativement, des faits politiques,
parfois d'une certaine violence, peuvent être à l'origine d'un nouvel ordre
constitutionnel. En fondant un nouveau régime politique, on s'éloigne
nécessairement des maximes du précédent, puisque les ordres juridiques
sont conçus pour garantir leur propre conservation. Ce n'est qu'après avoir
établi un nouvel ordre constitutionnel, que la logique autoréférentielle du
droit public interne peut commencer à fonctionner.
Cependant, la souveraineté externe n'empêche pas que le souverain
puisse être lié par des obligations envers des pairs. En outre, la culture
politique interne13 d'un État est nécessairement empreinte de solutions
alternatives lors de discussions de politique étrangère. Dans une querelle,
chaque parti s'approprie le langage juridique, tant pour différencier les
points de vue que pour élaborer un consensus14. Finalement, en droit
international positif actuel, aucun État ne peut invoquer des motifs d'ordre
interne pour échapper à l'exécution de ses obligations découlant du droit
des traités15. Dans ce cadre, étudier l'argumentation juridique du passé ne
relève pas seulement d'un intérêt intellectuel ou académique, mais peut
également nous renseigner sur des situations actuelles ; ceci sans toutefois
dénaturer les acquis de notre discipline ou la lecture juridique spécifique
du matériel historique.
Les relations internationales de l'époque moderne constituent un champ
de bataille intellectuel particulier. Tout d'abord, le caractère juridique des
relations entre monarques se prétendant « absolus », restés à l'état de nature
hobbesiens entre eux, fut sujet de débat - pour le moins - entre les contemporains. Le droit international, droit sans sanction verticale véritable,
a toujours été dans le collimateur des théoriciens du droit. Suivant les
postulats du positivisme, le juriste devait se limiter aux normes clairement
établies, afin de ne pas faire de politique soi-même. On pourrait même tout
à fait écarter le droit des gens16.

12. M. Troper, « Sovereignty and Natural Law in the Legal Discourses of the Ancien
Régime », Theoretical Enquiries in Law, t. 16/2, 2015, p. 315-335.
13. W. Reinhard, Geschichte der Staatsgewalt : eine vergleichende Verfassungsgeschichte
Europas von den Anfängen bis zur Gegenwart, München, Beck, 1999, p. 19.
14. M. Koskenniemi, From apology to utopia : the structure of international legal argument, Cambridge, Cambridge University Press, 2005 [1989].
15. Art. 27, convention de vienne sur le droit des traités, vienne, 23 mai 1969, 1980,
RTNU 353, « à moins que cette violation n'ait été manifeste et ne concerne une règle de
son droit interne d'importance fondamentale » (art. 46 [1]).
16. J.-L. Halpérin, « L'histoire du droit international est-elle compatible avec les théories
positivistes ? », in P.-M. Dupuy et v. Chetail (dir.), The Roots of International Law-Les
fondements du droit international. Liber Amicorum Peter Haggenmacher, Leyde, Martinus
Nijhoff/Brill, 2014, p. 365-386.

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