Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 96

90

L'ORDRE JURIDIqUE INTERNATIONAL

son ambition et sa gloire32. Les victoires de la guerre de Dévolution (16671668) et de Hollande (1672-1678) par Le Brun dans la galerie des Glaces ou
encore par van der Meulen projettent une soif de domination, ou encore
un désir de gloire et de vengeance, décrié par Fénelon à la fin du règne33.
Louis Xv, son successeur, se faisait représenter à la fois comme arbitre de
l'Europe dans les années 1730, ou comme restaurateur de la paix générale
en 1748 après la guerre de Succession d'Autriche, qui s'acheva notamment
par un abandon unilatéral des Pays-Bas autrichiens conquis par le maréchal
de Saxe après la bataille de Fontenoy (1745). L'historien Jean-Pierre Bois
parle de « révolution silencieuse du roi de paix » dans ce cadre34. Dans leur
communication extérieure, destinée aussi bien au public de la cour qu'à
celui des représentants des autres puissances35, les rois de France ne se
montraient pas seulement comme des vainqueurs, mais également comme
des points de ralliement neutres, ou comme « arbitre de l'Europe »36 en cas
de conflit entre les autres, à l'instar de l'occupation de ce rôle avant par le
pape ou l'empereur.
Le partage de la Succession d'Espagne fut décrit dans la correspondance diplomatique française comme « mesure prise pour le bien général
de la Chrétienté »37, ou comme « marque de modération » de la part de
Louis XIv38. Le premier pas fait par Louis XIv dans un accord bilatéral
avec l'empereur Léopold Ier (1650-1705) (le traité dit « de Grémonville »,
conclu en janvier 1668), devint un point de référence continu39. Si le
partage effectif de la monarchie espagnole ne devint effectif qu'avec les
32. J. Cornette, « Les ressorts de la gloire et de l'ambition », in J.-C. Petitfils (dir.),
Le siècle de Louis XIV, Paris, Perrin, 2015, p. 336.
33. L. Bély, « Fénelon, François de Salignac de la Mothe (1651-1715) », in L. Bély (dir.),
Dictionnaire Louis XIV, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 2015, p. 487.
34. J.-P. Bois, La paix. Histoire politique et militaire, Paris, Perrin, Pour l'histoire, 2012,
p. 373.
35. H. Ziegler, Der Sonnenkönig und seine Feinde : die Bildpropaganda Ludwigs XIV. in
der Kritik, Petersberg, Imhof, Studien zur internationalen Architektur- un Kunstgeschichte,
2010.
36. J.-P. Bois, La paix, op. cit., p. 372.
37. Louis XIv à Tallard, versailles, 8 février 1699, AMAE, CP, Espagne, 82, f. 31v°,
publié chez A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit., t. III, p. 10.
38. Louis XIv à Tallard, versailles, 13 février 1699, AMAE, CP, Angleterre, 179, f. 192r°,
publié chez A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit., t. III, p. 20. voir également, dans
le cadre de la négociation du traité de partage de 1668 : « Le Roi [...] est prêt de quitter
une bonne part de ses légitimes prétentions à l'Empereur pour posséder l'autre sans être
contraint de prendre les armes pour se faire justice. » (Guillaume de Fürstenberg, agent
de l'électeur de Cologne opérant en sous-main pour Louis XIv, à Hugues de Lionne,
secrétaire d'État des affaires étrangères, s.d., AMAE, CP, Cologne, 3, f. 397v°, publié chez
A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit., t. I, p. 113).
39. Tallard à Louis XIv, 3 juillet 1698, AMAE, CP, Angleterre, 176, f. 22v°, publié chez
A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit., t. II, p. 352.
Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne

Table des matières de la publication Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne
