Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 97

LA SOCIÉTÉ DES PRINCES ET LE DROIT DES GENS

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traités d'Utrecht, de Rastatt et de Bade, le principe était déjà apparu dans
cet accord secret, vivant à l'ombre du « droit public européen »40. Même
tout de suite après le mariage contracté entre l'empereur et l'infante Marie
Marguerite, fille du roi Philippe Iv d'Espagne (et demi-sœur de Charles II),
en 1666, donnant au prétendant Habsbourg un argument de poids supplémentaire, ses propres diplomates étaient à l'œuvre avec ceux de Louis XIv
pour substituer un accord commun à des prétentions absolues garantissant
une guerre générale et sanglante41. Les tentatives concoctées par Louis XIv
avec les diplomates de Guillaume III, roi d'Angleterre et stadhouder aux
Provinces-Unies, suivaient la même logique42. Éviter une guerre, dont on
« sait quand on la commence », mais dont on « ignore la fin » présenterait
bien plus d'inconvénients qu'une solution diplomatique43.

II - ORDRE JURIDIQUE ET RAISON D'ÉTAT
A. Les heures fatidiques de la succession d'Espagne
« Cette proposition, odieuse aux Espagnols, ne leur est devenue supportable que depuis qu'ils ont connu par les évènements la nécessité de faire la
paix aux dépens des États que l'Espagne n'a pu conserver » (instructions du
maréchal d'Huxelles et de l'abbé de Polignac, plénipotentiaires français au
congrès d'Utrecht44).

La guerre de Succession d'Espagne est synonyme d'une succession de
défaites françaises à Blenheim (1704), Ramillies (1706), Turin (1706) ou
Audenarde (1708)45. Lille, première grande conquête du Roi-Soleil, tombe
aux mains des Allemands, Anglais et Hollandais à la fin de 1708. Le Prince
40. A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit., t. I, p. 175. Louis XIv à Grémonville,
Paris, 8 juin 1669, AMAE, CP, vienne, 33, f. 151, ibid., 176 : « De traité éventuel que l'autre
était, il devienne un traité formel sur la mort du roi catholique ».
41. A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit., t. I, p. 118.
42. « L'Empereur ni l'Electeur de Bavière ne pouvant jamais soutenir leurs prétentions
sans l'appui du roi d'Angleterre » (Louis XIv à Tallard, versailles, 4 juillet 1688, AMAE,
CP, Angleterre, t. 175, f. 177r°, publié chez A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit.,
t. III, p. 355). Les rois d'Angleterre ne devinrent rois de « Grande-Bretagne » qu'avec le
traité d'Union avec l'Écosse en 1707. Louis XIv ne reconnaissait la reine Anne, belle-sœur
et successeur de Guillaume III, comme reine de « Grande-Bretagne », qu'à la fin de la guerre
de Succession. A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit., t. Iv, p. 739.
43. Louis XIv à Tallard, versailles, 24 juillet 1698, AMAE, CP, Angleterre, 176, f. 90r°,
publié chez A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit., t. II, p. 363.
44. A. Legrelle, La diplomatie française, op. cit., t. Iv, p. 621.
45. C. Oury, Blenheim, Ramillies, Audenarde. Les défaites françaises de la guerre de
Succession d'Espagne (1704-1708), thèse dactyl. de l'École des chartes, 2005.
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