Grands Colloques - La protection du dirigeant social - 178

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Le CuMuL Du CoNtrAt De trAVAIL

à ce propos62. on lui reproche de mettre en cause l'autonomie juridique
de la filiale, qui interdirait que la nomination, la révocation et le contrôle
de la gestion puissent, en droit, dépendre d'une autorité extérieure à ses
propres organes. La désignation du mandataire social par l'assemblée
générale de la filiale ne serait que purement formelle, puisque, dans la
circonstance envisagée, l'actionnaire majoritaire a précédemment recruté
l'intéressé par un contrat de travail afin d'exercer ce mandat (n'est-ce pas,
cependant, la conséquence concrète de cette position majoritaire ?). De
façon plus essentielle, peut-être, il existerait une incompatibilité entre la
qualité de dirigeant qui, sous réserve du contrôle exercé a posteriori par
les organes sociaux, implique une totale indépendance, et celle de salarié
qui suppose au contraire une subordination permanente ; mais la question
ne se pose-t-elle pas de savoir à l'égard de qui cette indépendance et cette
subordination doivent exister ? enfin, les règles relatives à la révocation
des dirigeants sociaux (qu'il s'agisse de la révocation pour juste motif ou,
a fortiori, de la révocation ad nutum) seraient évidemment contournées,
puisque la révocation prive le salarié de son emploi et doit concrètement,
a priori, entraîner la rupture du contrat de travail, sauf « reclassement ».
Du seul point de vue travailliste, l'analyse de la solution semble être, en
l'état, essentiellement centrée sur l'existence concrète d'un lien de subordination entre ce mandataire qui exerce son mandat social au sein d'une
société et l'autre société qui l'emploie à cette fin. À cet égard, la chambre
sociale paraît se montrer indifférente aux critiques précédentes, fondées
sur des principes et règles tirées du droit des sociétés : plus précisément, les
règles relatives au mandat social et à ses conditions de validité ou d'exercice
ne l'intéressent pas, sans doute car il lui incombe seulement de vérifier que
les éléments constitutifs du contrat de travail ont bien été caractérisés par
les juges du fond : « on ne saurait donc jeter la pierre à la chambre sociale
de la Cour de cassation qui ne fait que tirer des conséquences de montages
sociétaires dont les ressorts lui échappent »63.
Ainsi, dans un arrêt remarqué du 2 octobre 199164, celle-ci fut amenée à se
prononcer sur un pourvoi formé par une société qui avait engagé un salarié
pour exercer des fonctions de directeur général au sein d'une autre société
appartenant au même groupe, avant d'être nommé, quelques mois plus tard,
directeur général de cette dernière société par son conseil d'administration.
La première société reprochait à la cour d'appel d'avoir admis l'existence
d'un contrat de travail entre elle et ce directeur général alors, notamment,
que « le prétendu contrat de travail conclu (...) ayant pour unique objet la
62. pour une présentation éclairante de ces critiques, v. not. B. Petit, « Le sort du contrat
de travail des directeurs généraux », Dr. sociétés 1991. 464 ; RTD com. 1997, 650, obs. B. Petit
et Y. Reinhard.
63. G. Auzero et e. Dockès, op. cit., n° 722, p. 757.
64. Cass. soc., 2 oct. 1991, n° 87-45.668.

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