Grands Colloques - La protection du dirigeant social - 42

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LA JurISpruDeNCe AIMe-t-eLLe Le DIrIGeANt ?

c'est une logique organique qui concourt à la protection du dirigeant ; dans
le second cas, la protection découle d'une logique structurelle.

A. La logique organique
7. Il fut un temps, pas si lointain, où les créanciers sociaux pouvaient assez
aisément se tourner vers le dirigeant dès lors que la société était incapable
de faire face à ses obligations. Ainsi, dans un arrêt du 28 novembre 1961,
la Cour de cassation souligna que le fait pour un dirigeant d'avoir agi
dans l'exercice de ses fonctions ne pouvait le soustraire « à la responsabilité personnelle encourue conformément aux règles du droit commun »9.
et s'il était exigé initialement qu'il ait commis une faute de gestion, la
jurisprudence avait fini par se satisfaire d'une faute « commise à l'occasion
de la gestion »10. progressivement, la jurisprudence est toutefois revenue
sur cette position11. S'inspirant du célèbre arrêt Pelletier12, selon lequel les
agents d'une personne morale de droit public n'engagent leur responsabilité
personnelle qu'en cas de faute détachable du service, la Cour de cassation
est venue offrir au dirigeant une protection très efficace - immunité diront
certains - en exigeant des tiers qu'ils dirigent leur action prioritairement
contre la société, le dirigeant ne pouvant être mis en cause qu'en présence
d'une faute détachable de ses fonctions13.
8. Cette solution jurisprudentielle est désormais bien ancrée et chacun
connaît la définition de la faute détachable issue de l'arrêt Seusse, soit
une faute intentionnelle, d'une particulière gravité, et incompatible avec
l'exercice normal des fonctions sociales14. Mais si l'exigence d'une faute
détachable est aujourd'hui devenue familière, il faut se souvenir qu'elle
a fait l'objet de sévères critiques. on lui a reproché d'être juridiquement
contestable, opérant même contra legem puisqu'aucun texte n'exige une
faute qualifiée du dirigeant pour que soit engagée sa responsabilité15. et
9. Cass. com., 28 nov. 1961, Bull. civ. IV, n° 446 ; JCP 1962, II, 12504, note J. r. ; RTD com.
1962, p. 425, obs. rodière.
10. Cass. com., 26 nov. 1973, Rev. sociétés 1974, p. 300, 1re esp., note J.H.
11. Sur l'évolution jurisprudentielle à cet égard, v. not. B. Petit et Y. Reinhard, « La
responsabilité civile des dirigeants », RTD com. 1997, p. 282. V. également, p. et ph. Didier,
Droit commercial, t. 2, Les sociétés commerciales, economica, 2011, p. 260.
12. t. confl., 30 juill. 1873, Pelletier, n° 00035, GAJA, 18e éd., 2011, n° 2.
13. Cass. soc., 10 mai 1973, Bull. civ. V, n° 299 ; Cass. 1re civ., 31 mai 1978, Bull. civ. I,
n° 213 ; Cass. com., 4 et 8 mars 1982, n° 79-10.412, Rev. sociétés 1982, p. 573, note Y. Guyon.
14. Cass. com., 20 mai 2003, n° 99-17.092 : JCP G 2003, II, 10178, note S. Reifegerste ;
Dr. et patr. 2003, n° 120, p. 91, obs. D. Poracchia ; Bull. Joly Sociétés 2003, p. 786, note
H. Le Nabasque.
15. V. not. F. Descorps Declère, « pour une réhabilitation de la responsabilité civile à
l'égard des dirigeants sociaux », RTD com. 2003, p. 25 et s., spéc. p. 31 ; A. Martin-Serf,
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