Grands Colloques - La protection du dirigeant social - 46

38

LA JurISpruDeNCe AIMe-t-eLLe Le DIrIGeANt ?

cas de la responsabilité pour insuffisance d'actif30. C'est donc, là encore,
une logique structurelle, liée à l'existence du groupe, qui peut venir assurer
le salut du dirigeant31. Si la démarche doit être approuvée, il faut tout de
même relever qu'elle semble parfois exercer une influence un peu trop
grande. un arrêt Thor, rendu par la cour d'appel de Lyon le 29 juillet 2013,
est assez emblématique à cet égard32. Dans le cadre d'une opération de
LBo, la holding s'était, classiquement, fortement endettée pour prendre le
contrôle de la société cible. Dès lors que cette dernière est devenue moins
rentable, les dividendes ont été insuffisants pour assurer le remboursement
des créanciers de la holding. À l'occasion de la liquidation judiciaire de
la cible et de la holding, le liquidateur a recherché la responsabilité pour
insuffisance d'actif des dirigeants des deux entités au titre de l'insuffisance
d'actif de la cible. pour chacun les exonérer, la cour d'appel de Lyon a
considéré qu'aucun ne revêtait véritablement la qualité de dirigeant, ni
ceux désignés au sein de la société cible par la société holding actionnaire
majoritaire, ni cette dernière. pour les juges lyonnais, il était nécessaire
de « déterminer l'autonomie de décision des dirigeants visés par le liquidateur judiciaire ». Autrement dit, les dirigeants de la société cible étant, de
facto, privés d'autonomie en raison de l'emprise exercée par l'actionnaire
majoritaire, leur responsabilité ne pouvait être retenue sur le terrain de
l'article L. 651-2 du Code de commerce. La démarche est étonnante tant
les esprits se sont accoutumés à la dissociation du pouvoir et du capital. Le
groupe et les liens qu'il implique ne doivent pas pouvoir servir d'excuse
trop commode aux dirigeants de droit des filiales. Notons que l'arrêt en
question n'a pas été censuré par la Cour de cassation, même si l'on peut
considérer que le pourvoi ne mettait probablement pas assez l'accent sur
la difficulté évoquée33.
14. Sur le terrain de la responsabilité du dirigeant social, que ce soit à
travers une logique organique ou structurelle, la jurisprudence a donc su
30. Sans qu'il s'agisse de protéger le dirigeant social, il faut relever que le contexte du
groupe a pu conduire à admettre la validité d'une hypothèque consentie par une SCI en
garantie des engagements de sa société mère, v. Cass. com., 10 févr. 2015, n° 14-11.760.
Affirmant que le cautionnement d'une société mère par sa filiale en cessation des paiements
ne pouvait être annulé sur le fondement des nullités de la période suspecte car la garantie
avait une contrepartie, la filiale ayant « un intérêt à favoriser le financement de la société
mère », v. Cass. com., 19 nov. 2013, n° 12-23.020 ; Bull. Joly Sociétés, janv. 2014, p. 44, note
e. Mouial-Bassilana.
31. Considérant, à l'aune de l'arrêt du 3 déc. 2013 préc. que la faute de gestion est ainsi
plus difficile à caractériser dans un groupe que dans une société isolée, v. S. Schiller, « Les
fautes des dirigeants », Mélanges Germain, Lexis-Nexis-LGDJ-Lextenso, 2015, p. 753 et
s., spéc. n° 8.
32. CA Lyon, 29 juill. 2013, n° 10/09151, Sté Thor ; Bull. Joly Entreprises, janv. 2014, p. 41,
note N. Borga et th. Favario.
33. Cass. com., 16 déc. 2014 : n° 13-25.029 ; Rev. sociétés 2015, p. 391, note D. Poracchia.
Grands Colloques - La protection du dirigeant social

Table des matières de la publication Grands Colloques - La protection du dirigeant social
