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LE RÔLE DU DROIT PUBLIC EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ FRANÇAIS

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souveraineté des États » qu'« une mesure de nationalisation ne peut avoir d'effet
que sur le territoire de l'État qui la prend » ; il en résultait en l'espèce qu'échappait
à la nationalisation décidée à l'étranger une créance soumise à la loi française31.
14. Le choix entre les deux raisonnements, privatiste et publiciste, est susceptible d'emporter des conséquences importantes lorsque la nationalisation a été
opérée au moyen d'une mainmise de l'État sur les actions d'une société ayant son
siège sur son territoire et des activités dans plusieurs pays. Si l'on raisonne de
façon privatiste, on se borne à constater que les biens visés par la décision sont les
actions, soumises à la lex societatis et donc valablement transférées. La société ainsi
nationalisée, ayant conservé sa personnalité, demeure propriétaire de ses avoirs
situés à l'étranger (succursales, marques, brevets, actions de ses filiales étrangères,
en particulier).
En revanche si l'on contrôle la compétence de l'État par référence au droit
international public, et que l'on décide d'appliquer le principe de la territorialité,
on commencera par constater que l'État n'aurait pas pu s'approprier directement
les actifs sis à l'étranger sans empiéter sur la souveraineté des États concernés. Et
l'on se demandera si l'adoption d'un procédé particulier de nationalisation autorise l'État à réaliser indirectement (par société nationalisée interposée, dont il
devient l'unique actionnaire) l'appropriation qu'il n'aurait pu réaliser directement. La question a récemment été posée en France au Conseil constitutionnel,
à propos de la loi de 1982 nationalisant, par expropriation des actions, le secteur
bancaire et cinq groupes industriels. Le Conseil, auquel il était demandé de
constater une violation du droit international « dont le respect s'impose au législateur en vertu des dispositions du préambule de la Constitution de 1946 », a
déclaré « qu'il appartient au législateur de prononcer la nationalisation de sociétés
ayant leur siège social en France, et à ce titre, de transférer à l'État l'ensemble des
actions de ces sociétés avec toutes les conséquences entraînées par ces transferts
sur l'administration et la disposition des patrimoines sociaux »32. Le sens de cet
attendu semble être que l'écran de la personnalité morale permet de faire l'économie de la question de l'extraterritorialité. Tel n'était pas cependant auparavant
l'opinion de la doctrine française majoritaire. Et de fait quelle différence y a-t-il,
du point de vue de l'État local, entre voir l'État national de la société s'emparer de
l'actif social pour l'attribuer à une société qu'il contrôle, ou transformer la société
privée en une société étatique par expropriation de toutes ses actions ? Le résultat
est le même : les biens qui appartenaient à des personnes privées appartiennent
désormais à une émanation de l'État étranger, et ce à la suite d'une intervention
autoritaire de ce dernier. Le procédé juridique privé utilisé ne paraît pas devoir
être déterminant sur le plan des rapports entre États, sauf dans une conception
très formaliste de ces rapports.
31. Civ. 20 févr. 1979, précité note 22.
32. Cons. constit., 11 févr. 1982, Rev. crit. dr. int. pr. 1982.349, note Bischoff, Clunet
1982.340 ; v. l'article de M. Goldman, « Les décisions du Conseil constitutionnel relatives
aux nationalisations et le droit international », Clunet 1982.275.

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