Hors collection - Choix d'articles de Pierre Mayer - 460

422

CHOIX D'ARTICLES DE PIERRE MAYER

les mêmes - par exemple, la rupture anticipée d'un contrat de partage de production, alléguée être contraire, d'une part, aux engagements contractuels de l'État,
d'autre part à l'exigence de « fair and equitable treatment » et à la prohibition des
expropriations sans indemnité ; étant observé que dans ces cas, l'objet des
demandes est également le même : l'indemnisation du préjudice. Prévoir la compétence de deux tribunaux différents, dans ces conditions, présente de graves
inconvénients, et la plupart du temps ne s'impose pas.
Voyons donc successivement l'opportunité d'une extension de la compétence
du « tribunal du traité » aux contract claims (I), les prétendus obstacles théoriques
à cette extension (II), et les difficultés pratiques, largement surmontables, auxquelles elle se heurte néanmoins (III).

i. - L'oppoRtunité d'une extension de La compétence
du « tRibunaL du tRaité » aux contract claims
A. - Fonctionnement du système dualiste actuel
7 - Mon propos est limité aux cas où deux demandes ont le même objet (une
indemnisation), sont fondées sur les mêmes faits, mais sont jugées relever de compétences différentes en raison de leurs fondements différents. Cette situation est
banale.
Dans la pratique, l'investisseur commence souvent par saisir de ses contract
claims la juridiction « locale » (par cette expression je vise aussi bien un tribunal
arbitral prévu par le contrat d'investissement et siégeant dans l'État d'accueil, que
les tribunaux nationaux de cet État), avant de tenter sa chance auprès du tribunal
du traité. Il en est ainsi pour diverses raisons. D'abord il ne lui vient pas tout de
suite à l'idée que le litige puisse revêtir une dimension internationale ; il peut
même ignorer l'existence du traité qui le protège. Ensuite une telle démarche
risque d'envenimer ses rapports avec l'État, alors qu'il lui paraît que tout espoir
d'arranger les choses avec lui n'a pas disparu. Puis, il n'est pas sûr que ce dont il se
plaint atteigne au niveau d'une violation du traité. Enfin il arrive que ce soit l'État
ou l'entité publique cocontractante qui prenne les devants en saisissant ses propres
tribunaux, déclenchant une demande reconventionnelle de l'investisseur. Lorsque
par la suite celui-ci se résout à saisir d'un treaty claim le tribunal du traité, la situation devient complexe. Le plus souvent la procédure locale n'est pas épuisée. La
saisine d'un tribunal du traité se traduit donc par l'existence de procédures parallèles, et l'État défendeur fait valoir plusieurs exceptions pour que le tribunal du
traité n'en vienne pas à connaître du fond.
Il fait d'abord valoir que le contrat contient une clause attributive de juridiction
ou compromissoire qui déroge à la compétence prévue par le traité (ou qui exerce
une option ouverte par celui-ci). Subsidiairement, à supposer que le tribunal
retienne sa compétence, une situation de litispendance existerait, et le tribunal du
traité, saisi en second, devrait se dessaisir. Et à tout le moins ce tribunal devrait-il
juger opportun de surseoir à statuer.

Hors collection - Choix d'articles de Pierre Mayer

Table des matières de la publication Hors collection - Choix d'articles de Pierre Mayer