Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 147

PHILIPPE BRIAND

107

L'idée se répandit que l'existence d'un contrat à durée déterminée ne faisait
nullement obstacle à l'exigence d'un préavis18. Quelques Cours d'appel ont rendu
des décisions qui en assoient l'idée19. Depuis 200920, cependant, la Cour d'appel
de Paris est devenue la seule Cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues en application de l'article  L.  442-6 du Code de commerce21.
L'unification de jurisprudence qui en résulte conduit à accorder un crédit redoublé aux arrêts rendus par la Cour d'appel de Paris, notamment lorsque cette dernière se livre à une explication de texte. Il en est ainsi lorsqu'elle affirme22 : « la
notion de relation commerciale établie est une notion économique et non juridique, qui ne saurait se confondre avec celle d'un contrat à durée déterminée, la
loi ayant entendu viser une situation contractuelle née de la pratique instaurée
entre des parties qui entretiennent des relations d'affaires suivies fondées sur un
contrat ou une succession de contrats ». Certes, la notion de relation dépasse celle
de contrat. On ne le niera pas et le texte n'a d'autre objectif que d'instituer ce
changement de perspective. Mais l'élargissement qui en résulte ne saurait s'opérer
aveuglément.
Le formalisme légal ne doit-il pas être cantonné aux seuls cas où il remplit sa
fonction ?
Or, le préavis n'a aucune justification lorsque les parties sont, par le contrat
lui-même, préavisées, de la rupture à date certaine de la relation ; ce qui est le cas
de bon nombre de relations assises sur un contrat à durée déterminée.
Une logique semblable à celle qui a conduit la Cour de cassation à écarter
l'obligation de mise en demeure (pourtant requise par l'article 1146 du Code civil
pour l'allocation de dommages-intérêts) lorsque l'inexécution du contrat est
acquise23, devrait conduire à écarter l'obligation de préavis lorsque la fin du
contrat est connue des parties de manière certaine.
La Cour d'appel de Paris n'est nullement sensible à cette logique. Elle
sanctionne l'absence de préavis suffisant, même lorsque la relation est
18. V.  Béhar-Touchais et Virassamy, Traité des contrats, Les contrats de la distribution,
LGDJ 1999 no  346, p.  160 ; P.  Vergucht, La rupture d'une relation commerciale établie, RJ
com. 1997, p. 129 et s.
19. CA Lyon, 10 avr. 2003, BICC 2004, n° 626 ; JCP E 2004, n° 7 p. 254 : « Attendu
que la notion de relation commerciale établie est étrangère à la notion restrictive de contrat
commercial à durée déterminée et la dépasse ; que la loi a entendu viser une situation contractuelle née de la pratique instaurée entre des parties entretenant des relations d'affaires stables,
suivies et anciennes, quelle que soit leur forme » ; CA Aix-en-Provence, 13 nov. 2008, JurisData n° 2011-000596 ; CA Versailles, 14 oct. 2004, JCP E 2004, n° 51, p. 2002 ; CA Paris,
14 déc. 2005, RDLC 2006, n° 2, p. 101, obs. Mitchell.
20. Décret n° 2009-1384 du 11 nov. 2009.
21. Art. D.442-3 du Code de commerce ; Annexe 4-2-1 de la partie réglementaire du
Code de commerce. V. Muriel Chagny, « Restriction de compétence matérielle et droit de la
concurrence », Procédures, 2011, n° 4, 10.
22. CA Paris, 20 janv. 2011, JurisData n° 2011-000596.
23. Mixte, 6 juill. 2007, D. 2007, p. 2642, note G. Viney et p. 2966, note S. AmraniMekki, Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2007, p. 787, obs. P. Jourdain ; RDC 2007/4, p. 1115,
obs. D.  Mazeaud ; JCP  2007, II, 10175, note  M.  Mekki ; JCP  2008, I, 125, n°  12, obs.
Ph. Stoffel-Munck ; Contrats, conc., consommat. 2007, 295, note L. Leveneur.
Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin

Table des matières de la publication Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin
