Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 148

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DE L'USAGE DU PRÉAVIS...

constituée d'un enchaînement de contrats à durée déterminée expressément
stipulés non reconductibles tacitement24.
La figure est pourtant celle qui, plus que toutes les autres, justifie l'éviction du
préavis, en dépit de la lettre de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Mais, la Cour d'appel de Paris prend soin de préciser que, dans de telles conditions d'enchaînement des contrats, chacune des parties est « fondée à anticiper un
renouvellement »25.
L'argument est fort mais ne résiste pas, nous semble-t-il, à la clarté des termes du
contrat.
Ici, les parties posent d'emblée que le contrat parvenu à son terme ne sera pas
reconduit et que la prolongation de la relation ne pourrait résulter que d'un nouvel accord. On ne saurait être plus clair. Le préavis résulte indéniablement du
contrat lui-même.
Dans ces conditions, exiger la délivrance d'un préavis supplémentaire, c'est
s'exposer à la généralisation de comportements absurdes de contournement.
S'il ne suffit plus de stipuler que le contrat n'est pas tacitement reconductible
pour se dispenser d'un préavis ultérieur, les rédacteurs d'actes ne tarderont pas à
délivrer, le jour même de la conclusion du contrat, un préavis de rupture pour la
date de son terme. Techniquement, rien n'est plus simple. Les contraintes formelles ne sont jamais un obstacle pour une entreprise bien conseillée.
Il est cependant regrettable qu'il faille extirper du contrat la clause de durée et
lui conférer une autonomie dans un acte distinct pour que cette clause soit efficace. On redoute que rien de bon ne puisse émaner d'une telle défiance à l'égard
de la lettre du contrat.
La Cour d'appel de Paris n'exclut pas cependant de prendre en considération
l'absence de clause de tacite reconduction et d'en déduire que cela devait conduire
les parties à une prudence renforcée26.
De son côté, la Cour de cassation n'a jamais expressément validé le raisonnement qui tient le préavis de rupture pour nécessaire dans les contrats à durée
déterminée non reconductibles.
Au contraire, la circonstance que le contrat soit stipulé non renouvelable par
tacite reconduction semble bien entrer parmi les éléments faisant considérer que
la partie dont le contrat vient à échéance, ne peut « raisonnablement anticiper
une continuité de la relation commerciale pour l'avenir »27.
24. CA Paris, Pôle 5, chambre 5, 11 sept. 2014, JurisData n° 2014-021366.
25. CA Paris, Pôle 5, chambre 5, 25 mars 2010, JurisData n° 2010-007006.
26. CA Paris, Pôle 5, chambre 4, 11 févr. 2015, R.G. 12/20092 : « Considérant que la
société Thémis n'était tenue à aucune exclusivité à l'égard des sociétés Pall ; que son activité, largement rentable, lui permettait de dégager des bénéfices et lui laissait toute latitude pour diversifier son activité ; que si elle réalisait 90 % de son chiffre d'affaires avec les sociétés Pall, c'était de
façon volontaire, n'étant liée avec ces sociétés que par des contrats à durée déterminée et donc
non nécessairement reconduits d'années en années ; que les désaccords constants portant depuis
2006 sur le mode de rémunération de l'activité de la société Thémis et les positions inconciliables
des parties auraient dû inciter cette société à la prudence et à diversifier son activité, dans l'hypothèse, nullement improbable, où les sociétés Pall auraient arrêté le partenariat ».
27. Com., 20 nov. 2012, n° 11-22.660.

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