Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 274

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NON-CUMUL ET RESPONSABILITÉ DU FAIT D'AUTRUI

deux responsabilités heurt(ait) les règles juridiques » ; il n'en est rien selon nous,
puisque, de ce qui précède, cette solution est bien conforme à notre approche
dissociée des comportements du débiteur et du tiers substitué. Peu importe d'ailleurs que ce tiers soit sous l'autorité de droit ou de fait du débiteur ; ce dernier
restera le seul interlocuteur du créancier victime des agissements du tiers. Un arrêt
rendu par la Chambre sociale51 en donne un témoignage pittoresque : une blanchisseuse avait été victime de mauvais traitements et d'insultes de la part de la
femme de son employeur ; sans qu'il ait été établi que ladite épouse fût intervenue
en qualité de préposée de droit, la responsabilité contractuelle de l'employeur a
été retenue au motif qu'il devait « répondre des agissements des personnes qui
exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés ». L'attitude de l'épouse,
qui traduit un manquement à une norme générale de conduite, n'en caractérise
pas moins une inexécution contractuelle imputable au gérant pour n'avoir pas
assuré à ses salariés des conditions de travail normales, et su éviter une dégradation des relations de travail susceptible de porter atteinte à la dignité et à l'intégrité physique ou morale de ses employés52.
40. Plus récemment, la première Chambre civile de la Cour de cassation a
rendu un arrêt53 qui semble bien conforter notre analyse : une association
d'élèves d'une école d'ingénieurs avait organisé une soirée en confiant contractuellement la sécurité de la manifestation à une société de surveillance ; le corps
sans vie de l'un des participants ayant été retrouvé le lendemain dans la Moselle,
les ayants droit de la victime ont recherché la responsabilité contractuelle de
l'association54 : la Cour suprême l'écarte au motif que les fautes commises au
cours de la soirée étaient imputables non pas à l'association, mais aux agents de
la société qu'elle avait chargés de la surveillance et de la sécurité des clients. Sans
ignorer les engagements de l'association (le fondement contractuel ayant été
retenu), la Cour de cassation retient qu'elle n'était tenue que d'une obligation de
sécurité de moyens et qu'elle l'avait correctement exécutée dès lors qu'elle « avait
pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité » des participants à la
soirée. Loin d'être critiquable55, cette solution nous semble justifiée : les fautes
commises par le tiers substitué n'ont pas à être ipso facto imputées au débiteur
comme s'il les avait lui-même commises ; la défaillance de ce dernier doit être en
tout état de cause établie : cette preuve pourrait être facilitée en présence de la
51. SOC. 10 mai 2001, Sté Repass'Net c/Mme Bouet, Droit social 2001 p. 921, Jurisprudence sociale Lamy 2001 81 ; D. 2002 p. 1167.
52. Tout comme un bailleur est tenu, en vertu de l'article 1719, 3° d'assurer à ses locataires une jouissance paisible de la chose louée pendant la durée du bail.
53. CIV1 18 juin 2014, n° 13-14.843, JCP 2014 919 p. 1575, note D. Bakouche ;
JCP 2014 744, p. 1281, note J. Bourdoiseau ; D. 2014, p. 1625, note C. Ménabé ;
Gaz. Pal. 2014 n° 296 p. 15, note M. Mekki ; C.C.C. n° 10, p. 210, comm. L. Leveneur ;
RTD civ., p. 663, note P. Jourdain.
54. Fondement curieux, si l'on veut bien considérer que leur action avait pour effet l'indemnisation de leur propre préjudice moral subi par ricochet : souvent retenu à tort, le fondement délictuel aurait dû ici s'imposer pour soutenir l'action de simples tiers au contrat.
55. Contra note D. Bakouche préc.

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