Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 42

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DE L'EFFET AUTOMATIQUE DE LA COMPENSATION

2. Ce débat n'est d'ailleurs pas resté sans écho dans les projets de réforme du
droit des obligations. C'est ainsi que le projet Catala, sous couvert d'« une nouvelle rédaction adaptée aux besoins du commerce juridique »4, a pris de la distance
avec l'automaticité de la compensation. Supprimant la formule contestée de l'article 1290, ce projet subordonne ainsi l'extinction de l'obligation à une « invocation » en justice de cette exception (art. 1243, dont il résulte littéralement que la
dette n'est pas éteinte avant ce moment) et permet au débiteur qui compense de
décider quelle dette il entend éteindre (art.  1245, qui prend le contre-pied de
l'article 1297 actuel). Allant plus loin, le projet de la Chancellerie de 2011 reprit
la règle d'imputation des paiements du projet Catala (art.  95) et affirma plus
radicalement que « la compensation légale doit être invoquée par le débiteur »
(art. 92) - suggérant qu'elle n'opérerait son effet extinctif qu'à condition que, en
justice ou hors tout procès, le débiteur manifeste sa volonté de faire jouer le mécanisme compensatoire. Si n'était l'ambiguïté de la référence à l'« invocation » de la
compensation5, laquelle demeure par ailleurs qualifiée de « légale », on percevrait
sans peine derrière ces modifications une métamorphose de la physionomie de
l'institution, appelée à produire une évolution de son régime6. À l'opposé de ces
premières propositions, le projet de l'Académie des sciences morales et politiques
proposa pour sa part de maintenir la règle de l'effet automatique (en supprimant
au passage deux des limites au système que le législateur de 1804 avait introduites7). S'il admit la suppression de la formule de l'article 1290, il en conserva
l'esprit, en retenant plus sobrement que « la compensation éteint les obligations,
à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies » (art. 95), et en
ne modifiant pas la règle d'imputation des paiements du droit positif (art. 94, qui
n'est toutefois pas univoque). Le dédicataire de ces Mélanges a précisé dans l'exposé des motifs les raisons de cette solution, à savoir que « la nécessité d'invoquer
la compensation [...] artificielle et contraire au texte originel de l'article 1290,
n'est pas jugée la plus pertinente pour la sécurité du commerce juridique. Il est
donc décidé de revenir à une conception plus mécaniste de la compensation »8.
C'est ce système qui fut ensuite retenu par la Chancellerie dans son dernier projet, et qui a vocation à être consacré à l'occasion de la réforme (v. l'art. 1325-5 du
projet d'ordonnance).
3. Ce débat sur l'effet extinctif de la compensation n'est d'ailleurs pas resté
cantonné au droit français. Dans les réflexions sur les projets européens ou internationaux de droit des obligations, il a ainsi été proposé de consacrer la théorie
volontariste, en retenant qu'un débiteur-créancier peut compenser ses dettes « par
4. J. François et R. Libchaber, Exposé des motifs, p. 57.
5. V. infra, n° 13.
6. V. infra, n° 12.
7. Il est prévu que le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation comme la
caution (art. 97 ; contra, art. 1294, al. 3, c. civ.), tandis que la règle de l'article 1299 du Code
civil actuel disparaîtrait. Pour cette raison, on ne traitera pas spécialement ici des règles concernées, lors même qu'elles s'intégreraient parfaitement dans la construction proposée.
8. D.  R.  Martin, Pour une réforme du régime général des obligations, Dir. F.  Terré,
Dalloz Thèmes et commentaires 2013, p. 105.
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