Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 69

CATHERINE BARREAU

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collaborateurs familiaux pourraient s'obliger, sur ordre du cédant, à ne pas
concurrencer non plus le cessionnaire. La jurisprudence ne semble pas révéler de
telles situations. Le régime imposé à la clause de non-concurrence s'opposerait
d'ailleurs à la pleine efficacité s'il n'était stipulé une contrepartie pécuniaire si le
délégué était un salarié. On imagine que le cessionnaire, délégataire, opterait pour
la forme imparfaite de la délégation exclusivement.
Cette solution s'avérant compliquée à mettre en œuvre, la technique du portefort est une troisième voie à explorer. La promesse de porte-fort est une opération
juridique à trois personnes, le promettant, le bénéficiaire, et le tiers. Le porte-fort
souscrit une obligation de faire : convaincre le tiers de réaliser ou d'exécuter un
engagement. Selon l'interprétation traditionnelle de l'article 1120 du Code civil,
le mécanisme de la promesse de porte-fort permet à un sujet de droit dépourvu
de pouvoir de représentation d'accomplir un acte juridique pour le compte d'autrui, en promettant d'obtenir a posteriori l'habilitation qui lui fait défaut, sous
forme de ratification. La ratification peut être expresse ou tacite. Cette approche
classique de la promesse de porte-fort en fait « une technique de régulation du
comportement d'un intervenant qui agit sans pouvoir pour le compte d'autrui
avec promesse de ratification »31. Aussi longtemps que le tiers n'a pas exprimé sa
volonté de s'engager envers le bénéficiaire, une situation provisoire est créée qui
prendra fin soit par l'acceptation donnée par le tiers, soit par son refus de tenir
l'engagement. La ratification décharge rétroactivement le porte-fort de toute obligation vis-à-vis du bénéficiaire de la promesse. Réciproquement, le refus du tiers
de ratifier l'acte prive définitivement l'acte réalisé par le porte-fort de tout effet à
son égard car cet acte est caduc. Quant au porte-fort, puisqu'il n'a pas tenu sa
promesse, il engage sa responsabilité contractuelle à l'égard du cocontractant.
L'étendue de sa responsabilité dépend de la nature de l'obligation souscrite, de
moyens ou de résultat. Il s'agit d'une obligation de résultat : obtenir du tiers qu'il
accepte de tenir l'engagement considéré. Cette technique peut être adaptée à
notre hypothèse de travail. Le cédant d'une clientèle32 peut promettre qu'une
tierce personne s'obligera à ne pas concurrencer son cocontractant, mais cette
tierce personne ne sera obligée à ne pas concurrencer le bénéficiaire que si elle
ratifie l'engagement objet de la promesse de porte-fort. Si elle s'y refuse, elle n'est
pas tenue par l'obligation de non-concurrence promise et ne doit aucune indemnité ni au bénéficiaire de la promesse de porte-fort, ni au porte-fort. En revanche,
le porte-fort devra indemniser le bénéficiaire déçu. Cette indemnisation sera due
sur la seule preuve de ce que le consentement du tiers n'aura pas été rapporté si
l'obligation du porte-fort était de résultat, sur démonstration de son manque de
diligences si l'obligation n'était que de moyens. Lorsque le tiers ratifie, il n'exécute
pas l'obligation de non-concurrence d'autrui mais celle qu'il a personnellement
souscrite. Le porte-fort de ratification, classiquement exposé ici, ne peut être
considéré comme un mode de transmission de la dette de non-concurrence.
31. JCl. Notarial Répertoire, fasc. 7-2 : Contrats et obligations. - Promesse de porte-fort.
32. Directement ou par cession de fonds de commerce ou par cession massive de parts
sociales ou actions, v. supra.
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