Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin - 78

LA TRANSMISSION DES CLAUSES DE NON-CONCURRENCE

opposition aux « héritiers », ayants cause à titre universel. Si cette disposition ne
peut fonder la transmission passive de l'obligation de non-concurrence, sauf au
moyen d'une clause expresse clairement rédigée54, elle semble adaptée au cas de la
transmission active. Cela est certain si le contrat qui contient la stipulation de nonconcurrence est rédigé de manière à prévoir expressément que le débiteur de nonconcurrence s'engage envers son co-contractant et les ayants cause de celui-ci,
notamment les ayants cause à titre particulier tels que le sous-acquéreur du fonds de
commerce, le sous-acquéreur de la clientèle civile, voire le sous-acquéreur des parts
sociales. Le cessionnaire qui transmettra ce bien pourra faire accepter expressément
cette stipulation lors de la cession du bien, ce qui rendra cette stipulation pour
autrui irrévocable. Cela signifie bien sûr que le débiteur ne devra pas avoir retiré son
consentement avant ce moment et que c'est à compter de l'acceptation seulement
qu'il sera obligé envers le cessionnaire. Cela peut s'avérer insuffisant :
- soit le cessionnaire ne songe pas à faire accepter par le sous-acquéreur la
stipulation en question et l'on peut douter que la clause puisse être invoquée par
ce dernier ;
- soit le cédant retire son consentement et l'acceptation est inopérante sans
qu'une sanction efficace puisse le frapper. La résolution de la cession initiale supposerait l'inexécution d'une obligation essentielle. Or, l'engagement de nonconcurrence n'aura probablement pas été érigé par les parties en cause impulsive
et déterminante de leur obligation.
Pour remédier à cela, la doctrine propose de considérer que cette stipulation
pour autrui est consentie dans l'intérêt exclusif de son bénéficiaire qui est réputé
l'avoir implicitement accepté. Si cette suggestion résout la première difficulté, elle
ne peut régler la seconde. Faut-il alors admettre que le sous-acquéreur a donné
mandat tacite au cessionnaire d'accepter pour son compte cette stipulation pour
autrui55 ? Ou bien que celui-ci a géré son affaire56 ? Selon M. Gomy, « Ces hésitations dans l'application de l'article rendent cette théorie trop incertaine pour
qu'elle puisse être retenue... D'ailleurs la Cour de cassation n'a jamais cautionné
cette thèse même si certaines juridictions du fond y ont recouru »57. La théorie
n'est pas recevable pour des raisons de notion attachée à la stipulation pour autrui,
pas seulement pour des raisons de régime même si ces dernières confirment les
premières. La théorie ne tient que par des fictions, ce qui lui confère un caractère
artificiel58. Deux critiques majeures ont été formulées :
- l'une concerne la possibilité que cette stipulation soit implicite : comment
le vendeur qui s'engage envers son acheteur pourrait-il connaître son intention de
stipuler implicitement pour ses ayants cause en même temps que pour lui-même ?
54. V. infra.
55. C. civ. art. 1985 et la jurisprudence citée par les annotateurs tant de l'éditeur
Dalloz que de l'éditeur Litec.
56. C. civ. art. 1372.
57. M. Gomy, op. cit., n° 51363.
58. M. Gomy, op. cit. n° 53764 et s.

Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin

Table des matières de la publication Les Mélanges - Mélanges en l'honneur du professeur Didier R. Martin