Grands Colloques - La crise des institutions - 102

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LA RÉPUBLIQUE NOUVELLE EST ARRIVÉE !

et le programme politique les séduisent le plus et, de fait, c'est exactement
ce que les candidats leur proposent.
Si l'on veut rétablir l'autorité primo-ministérielle sans supprimer
l'élection présidentielle au suffrage direct, sans doute peut-on expliquer
aux Français que ce ne doit pas (ou ce ne doit plus) être comme avant et
qu'ils vont désormais, comme les Portugais, devoir simplement choisir un
président-arbitre dont la carrière partisane est derrière lui, tandis que les
leaders politiques vont à l'avenir se disputer le poste de Premier ministre,
comme en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne ou en Italie.
Mais toute la question est : comment faire pour qu'ils comprennent cette
mutation et qu'ils acceptent de changer de critère de vote tandis que les
leaders politiques feraient désormais la course pour Matignon et non plus
pour l'Élysée ?
Nous avons remis la question de la désignation du chef de l'État sur
le tapis dans une récente journée d'études à Rennes 4 où nous avons
beaucoup interrogé notre collègue historien du droit Oscar Ferrera sur le
cas portugais et notamment sur l'objet exact de la campagne présidentielle
à Lisbonne. Sur quoi les candidats à l'élection présidentielle portugaise
font-ils campagne ? Que proposent-ils de différent par rapport à leurs
adversaires pour justifier que ce soit leur nom et pas un autre qui l'emporte
dans l'urne ? Il nous a répondu que les Portugais se posent eux-mêmes cette
question crue: « Si le président se limite au rôle de pouvoir neutre, pourquoi
importuner le peuple pour cette élection ? » À quoi bon, effectivement,
organiser une compétition au suffrage universel direct pour désigner un
pouvoir neutre et mener un combat électoral pour faire office d'eunuque ?
Mais en tout état de cause, là encore, il faut être naïf pour croire que le fait
de remettre le capitaine à Matignon au lieu de l'Élysée va résoudre la « crise»
que traverse notre pays, à l'identique d'autres démocraties occidentales.
C'est évidemment absurde. L'impuissance, la cupidité, l'opportunisme et
la corruption, la vacuité et la médiocrité tant du discours, que du personnel
et des actes politiques, le passe-droit et le féodalisme généralisés ne disparaîtront pas sous l'effet d'un déménagement d'une rive à l'autre de la Seine.
Annoncer cela, c'est risquer de vendre des illusions et d'aggraver encore la
crise par une déception supplémentaire. Si les causes de la crise sont celles
décrites par Jacques Chevallier ce matin, qui peut prétendre que c'est un
simple changement de structure de l'exécutif national qui va la résoudre ?
Ce n'est pas sérieux.

4. La désignation du chef de l'État. - Regards croisés dans l'espace et le temps, Anne-Marie
Le Pourhiet (dir.), Fondation Varenne, Collection Colloques & Essais, 2012.
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