Grands Colloques - La crise des institutions - 22

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AUX ORIGINES DE LA CRISE

des fonctions plus ou moins rigide ; le processus d'institutionnalisation se
traduira sur ces trois plans par l'encadrement des rôles, la détermination
des positions, la définition des fonctions, sous couvert d'un statut.
* Troisième niveau, celui des entités collectives. Les organisations mises
en place pour les besoins de l'action collective se transforment en institutions à partir du moment où elles se présentent comme des structures
stables, dotées d'une vie autonome et dont l'existence est vécue sur le mode
de l'évidence ; l'institutionnalisation suppose tout à la fois que l'organisation apparaisse comme une entité impersonnelle, distincte des individus
qui la composent, qu'elle soit dotée d'une identité propre (processus
d'objectivation) et que cette identité soit intériorisée par les individus,
incorporée à leur patrimoine personnel, intégrée à leur identité individuelle
(processus d'intériorisation)1. L'identité individuelle est construite au fil
des transactions nouées avec les institutions : elle passe par un processus
d'identifications successives par lequel les valeurs, normes, conduites des
groupes d'appartenance vont être progressivement intériorisées.
À l'intérieur d'une société donnée, les différentes institutions forment un
ensemble cohérent et structuré, un « ordre » (l'ordre social), ordre lui-même
constitué d'ordres partiels (économique, politique, juridique,...), formés
d'un assemblage d'institutions et dotés d'une cohésion spécifique.
* De quelle crise s'agit-il ?
* On connaît les équivoques qui s'attachent au vocable de « crise », dont
l'usage est galvaudé. Une certitude : la crise ne saurait être confondue avec
le mouvement incessant qui agite les institutions et les fait évoluer : la
conception statique de l'institution, qui a longtemps prévalu en France
sous le couvert d'une double tradition juridique (Hauriou) et sociologique
(Durkheim), doit être dépassée : l'institution est caractérisée par une tension
permanente entre les cadres dans lesquels se déroule la vie collective (les
formes instituées) et les forces qui les animent et les font bouger (les forces
instituantes) - l'institutionnalisation traduisant le dépassement provisoire
de la contradiction par l'avènement d'un nouvel équilibre. La conception
dialectique de l'institution aboutit à concevoir celle-ci comme un processus
de construction, déconstruction et reconstruction incessant de ce qui fait
tenir une société et garantit sa cohésion2.
* L'idée de crise implique l'existence d'un saut qualitatif, d'un élément
de rupture par rapport à cette dynamique inhérente à la vie des institutions :
1. Jacques Chevallier, « Identité, organisation, institution », in CURAPP, L'identité politique, PUF, 1994, pp. 239-251.
2. Jacques Chevallier, « L'analyse institutionnelle », in CURAPP, L'institution, PUF, 1991,
p. 44 s.
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