Grands Colloques - La crise des institutions - 24

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AUX ORIGINES DE LA CRISE

Le principe de clôture sur lequel repose traditionnellement la
construction des institutions, dont la surface d'emprise est délimitée par
l'existence de frontières, matérielles et/ou symboliques, est remis en cause
par le processus de mondialisation. Les frontières sont devenues poreuses :
les États-nations sont traversés par des flux de tous ordres qui échappent
très largement à leur contrôle et touchent à tous les niveaux de l'organisation sociale ; aucune institution, qu'elle soit économique, sociale ou
culturelle, politique, administrative ou juridique ne peut sortir indemne de
ce mouvement de déterritorialisation qui sape les fondements sur lesquels
repose son identité. Dans un monde globalisé, dans lequel la réalité est
devenue « cosmopolitique »3, global et local étant indissolublement liés4,
non seulement les institutions perdent les points d'appui qui assuraient
leur emprise sur les comportements, mais encore les principes qui les
gouvernent tendent à perdre de leur pertinence, en raison de la concurrence de modèles étrangers - comme en témoigne par exemple en France
l'évolution du modèle administratif sous l'influence des préceptes du New
Public Management ou celle du droit des affaires sous l'influence du modèle
juridique anglo-saxon.
La révolution numérique, résultant de l'essor des nouvelles technologies
de l'information et de la communication (NTIC), tend par ailleurs à bouleverser les équilibres internes des institutions de toute nature : économiques
(pour Jeremy Rifkin5, la révolution numérique annoncerait l'émergence
d'un modèle de production radicalement nouveau, fondé sur le partage
et les communautés collaboratives), éducatives (transformation radicale
des méthodes d'enseignement), artistiques et culturelles (nouveaux modes
de production et de consommation), administratives (remise en cause
des lignes hiérarchiques et promotion de nouveaux modes de relations
avec les administrés) ou encore juridiques (transformation des modes de
production et d'accès au droit). La numérisation entraînerait le relâchement
des contraintes institutionnelles dans tous les domaines, au profit de modes
de communication et d'échange plus souples et plus directs.
* Parallèlement à cette double évolution, on assiste à l'effritement des
valeurs communes qui constituent le soubassement de l'ordre social et
assurent la cohésion de l'édifice institutionnel. Les valeurs héritées au
passé qui constituent le socle de la citoyenneté tendent à perdre de leur
force, du fait de la conjonction d'une série de facteurs : affaiblissement de
l'identité nationale ; flux migratoires favorisant un processus d'hybridation
3. Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l'ère de la mondialisation, 2002, Aubier-Alto,
2003.
4. Saskia Sassen, La globalisation. Une sociologie, 2007, Gallimard, 2009.
5. Jeremy Rifkin, La nouvelle société du coût marginal zéro, Les liens qui libèrent, 2014.
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